Aller au contenu
Séances précédentes
Séances précédentes
Séances précédentes

Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 44e Législature
Volume 153, Numéro 212

Le jeudi 13 juin 2024
L’honorable Raymonde Gagné, Présidente


LE SÉNAT

Le jeudi 13 juin 2024

La séance est ouverte à 14 heures, la Présidente étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Les diplômés des Premières Nations du Yukon

L’honorable Pat Duncan : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour souligner le cent vingt-sixième anniversaire de la Loi sur le Yukon et le Mois national de l’histoire autochtone, et pour vous parler de la célébration des diplômés des Premières Nations du Yukon. Partout au Canada, des étudiants de tous âges terminent leur programme d’études et envisagent les prochaines étapes de leur parcours d’apprentissage. Pour certains d’entre eux, notamment dans les écoles secondaires, des robes ont été choisies, des smokings ont été loués et des rendez-vous ont été pris pour que les diplômés se présentent sous leur meilleur jour.

Vous avez entendu des collègues évoquer — et moi louer — le document Together Today for our Children Tomorrow. Récemment, lors de la cérémonie de remise des diplômes à l’Université du Yukon, David Silas, lui-même citoyen de la Première Nation Selkirk du Yukon, a déclaré : « Nous sommes les enfants de demain ».

Depuis plusieurs années, le Conseil des Premières Nations du Yukon organise une célébration spéciale en l’honneur de ces enfants de demain, les diplômés des écoles secondaires des Premières Nations.

Les efforts pour vraiment rendre hommage à ces jeunes gens commencent un an à l’avance par un rassemblement des mères, des tantes, des grands-mères et des personnes spéciales dans la vie des diplômés. Elles se réunissent pour confectionner les tenues spéciales que porteront les diplômés lors de la cérémonie.

Ces tenues de fin d’études — robes et vestes en peau d’orignal perlées — sont le reflet de l’étudiant, de sa Première Nation et du Yukon. Plus que de simples vêtements, ce sont des œuvres d’art, faites avec amour, avec soin et avec beaucoup d’habileté.

Quatorze de ces œuvres d’art, chacune à l’image d’un élève des Premières Nations du Yukon, ont été rassemblées dans l’exposition « Honorer notre avenir : Tenues de remise de diplômes des Premières Nations du Yukon », qui a fait la tournée du Yukon de 2020 à 2023 et a été rendue accessible à tous pour que chacun puisse l’apprécier.

Honorables sénateurs, une image vaut mille mots ou une minute et demie en termes de temps de parole. Étant donné que mon temps est limité et que les mots ne suffisent pas à rendre justice au travail de ces personnes, vous avez reçu une carte postale avec une photo de la robe en peau d’orignal tannée blanche de Sarrah Telep qui est ornée de perles représentant un épilobe à feuilles étroites sur l’un de ses côtés. Au verso, vous trouverez le gilet de Nevada Joe. Le motif de loup perlé dans le haut du dos provient de la ceinture de bébé qui avait été perlée pour sa mère. De façon typiquement canadienne, le gilet porte les emblèmes de hockey et le numéro de son joueur préféré qui seront reconnus par de nombreux collègues, en particulier le sénateur Loffreda, et qui reflètent la passion de ce jeune homme pour notre sport national et sa fierté à l’égard de sa Première Nation au Yukon. Ce ne sont là que deux exemples provenant de l’exposition.

Honorables sénateurs, vous remarquerez également que la carte postale vous informe des dates de la prochaine exposition : du 15 juin au 21 septembre à la Maison du Canada, à Trafalgar Square, à Londres, en Angleterre. J’invite les sénateurs et les autres Canadiens qui se trouveront là-bas à y faire un tour pour voir ces pièces de l’histoire vivante du Yukon et à profiter de l’occasion pour faire connaître nos progrès sur la voie de la réconciliation, « Honorer notre avenir », et pour célébrer les enfants de demain, qui nous guident aujourd’hui vers l’avenir.

Bon voyage à ces pièces et aux conservateurs qui s’en occupent.

Merci. Shä̀wníthän. Gùnáłchîsh. Mahsi’cho.

Des voix : Bravo!

[Français]

Le moulin à scier de Bangor

L’honorable Réjean Aucoin : Honorables sénateurs et sénatrices, aujourd’hui, je veux rendre hommage à un trésor culturel et historique qui vient de disparaître en Nouvelle-Écosse. Le moulin à scier de Bangor, sur la rivière Méteghan à la baie Sainte-Marie, a été la proie des flammes la fin de semaine dernière.

Construit en 1870 par Joe Maillet, il était le dernier moulin à scier opéré par la force hydraulique qui était encore en activité lorsque je l’ai visité il y a plusieurs années. Il y en avait 10 à l’époque sur la rivière Méteghan.

En 1993, il avait été racheté par la Commission de développement de Bangor. Le moulin et son musée servaient de centre d’interprétation où les gens de la région, les touristes et les groupes d’élèves venaient se retremper dans son histoire. La présidente de la commission, Denise Comeau Deshautels, s’est dite attristée par le sinistre. Ils avaient d’ailleurs recueilli récemment 50 000 $ auprès de la communauté pour restaurer le barrage.

Le moulin de Bangor a un lien étroit avec le Sénat, puisque le regretté sénateur Comeau y avait travaillé comme étudiant et qu’il était bénévole à la Commission de développement de Bangor depuis sa retraite.

La baie Sainte-Marie fait partie de la municipalité de Clare, incorporée en 1879. C’est à la suite de la signature du traité de Paris en 1763, après la déportation, que de nombreux Acadiens sont revenus en Nouvelle-Écosse, mais pas sur leurs terres d’origine, désormais occupées.

Ainsi, c’est à la Pointe-à-Major que Joseph Dugas et sa famille ont débarqué pour fonder ensuite le village de Grosses Coques en 1768. La langue française, un pilier de l’identité acadienne, résonne encore dans les nombreux villages de la région : Corberrie, l’Anse‑des-Belliveau, Mavillette, Rivière-aux-Saumons, Petit-Ruisseau et Comeauville.

Certaines expressions utilisées normalement dans le domaine de la pêche colorent aussi leur langage, comme « amarre tes souliers », ou « lace tes souliers », « havre icitte que je débarque », ou « je descends ici, arrête-toi », « jette-moi », ou « attends-moi », ou encore le mot « rambri », qui signifie « mur ».

Aujourd’hui, la pêche est très lucrative et la région compte plusieurs usines de poisson et un chantier naval. Clare est la seule municipalité qui fonctionne en français en Nouvelle-Écosse et elle est le siège social du Conseil scolaire acadien provincial. C’est également à Clare que se trouve la seule université francophone en Nouvelle-Écosse.

Chers collègues, en plus de vous inviter à venir visiter la baie Sainte-Marie, je vous laisse sur les paroles de la chanson de Jean‑Louis Belliveau, qui parle d’un autre moulin de Clare qui avait brûlé, le moulin des Cléments : « Un soir d’été aux Concessions, il y eut une compassion, le Moulin des Cléments brûlait pour tuer. »

Je vous remercie.

Des voix : Bravo!

Les Jeux olympiques et paralympiques de 2024

L’honorable Chantal Petitclerc : Chers collègues, comme vous le savez très bien, les Jeux olympiques d’été de Paris commenceront dans 43 jours et les Jeux paralympiques, dans 76 jours.

J’ai pris ma retraite en 2008, mais j’avoue que je continue parfois de me définir comme une fière paralympienne, une fierté qui ne se dissipe jamais et qui renaît tous les deux ans. Quand je vois nos athlètes travailler tellement fort pour repousser leurs limites, réaliser leurs rêves et poursuivre des objectifs ambitieux, cela me rappelle pourquoi je suis fière d’être Canadienne.

[Traduction]

Juin est aussi le Mois de la Fierté, qui est l’occasion de souligner toutes les contributions que les membres de la communauté 2ELGBTQIA apportent au Canada. Cette année, comme toujours, cette fierté s’étend à bien d’autres choses. Bon nombre des athlètes paralympiques font partie de cette communauté et ils méritent beaucoup d’amour et d’encouragements. Cette année, je tiens à les mettre en lumière.

Être une personne handicapée comporte son lot d’obstacles. Aujourd’hui encore, être un athlète paralympique représente un défi. Être un athlète paralympique membre de la communauté 2ELGBTQIA ajoute un niveau de difficulté supplémentaire. Pour être honnête, des préjugés persistent encore de nos jours. Aujourd’hui, je tiens à souligner la détermination de ces gens, qui veulent vivre leur vie à leur manière, comme ils l’entendent, de la façon la plus authentique possible. Je tiens à souligner leur amour du sport et le fait que n’importe qui au Canada peut poursuivre un rêve, peu importe qui il est, d’où il vient ou les limites, les revers ou les obstacles qu’il peut rencontrer dans sa vie.

Chers collègues, si vous le pouvez, prenez le temps cet été de communiquer par courriel ou par les médias sociaux avec un athlète de votre région qui se rendra à Paris cette année. Si vous le connaissez personnellement, c’est encore mieux. Faites savoir à cet athlète à quel point vous êtes fier de lui.

(1410)

Pendant le Mois de la Fierté, n’oublions pas que la fierté ne se trouve pas seulement en nous et qu’elle ne concerne pas uniquement nos réalisations individuelles : on éprouve aussi de la fierté pour les autres, surtout, probablement, grâce à la façon dont ils nous inspirent et nous influencent. Chers collègues, voilà ce qu’est la fierté canadienne, et c’est ce que nos athlètes susciteront en nous.

Je tiens à dire à tous nos athlètes que nous les acclamerons et que nous avons hâte de les voir à l’œuvre à Paris.

Merci, meegwetch.

Le Mois national de l’histoire autochtone

L’honorable Paul J. Prosper : Honorables sénateurs, certains disent que la culture fait partie de la langue. J’interviens aujourd’hui pour parler du Mois national de l’histoire autochtone. Les peuples autochtones adorent raconter leurs histoires. Je tisserai quelques histoires au cours de mon discours.

La semaine dernière, j’ai passé du temps avec mon cher ami Doug. Doug a perdu sa mère, Kathlin Sorbey, le 24 mai dernier. Mme Sorbey a fréquenté plusieurs externats indiens et, plus tard, le pensionnat autochtone de Shubenacadie. Malgré cela, elle était considérée comme une ambassadrice linguistique et culturelle des Mi’kmaqs.

Le frère de Mme Sorbey était le Grand Keptin Alex Denny du Grand Conseil des Mi’kmaqs. Fervent défenseur de la langue mi’kmaq, il disait souvent que chacun peut retourner dans son pays d’origine et apprendre sa langue maternelle. C’est-à-dire tout le monde sauf les Mi’kmaqs.

J’ai grandi à Paqtnkek aux côtés de ma kiju — ma grand-mère —, Kaloline Prosper. Son anglais était très limité, ce qui correspondait à ce que je comprenais du mi’kmaq. Nos rencontres maladroites m’ont donné l’impression d’être stupide, inadéquat et déconnecté de mon identité en tant que personne mi’kmaq.

La langue mi’kmaq est façonnée par le temps, l’esprit et la géographie de nos terres traditionnelles, appelées Mi’kma’ki.

Mme Sorbey, la mère de Doug, parlait très bien le mi’kmaq et l’anglais. Chaque fois que je discutais avec elle, je me sentais ancré et connecté. Lors de la dernière fête des Mères, Doug a rendu visite à sa mère à l’hôpital. Il lui a donné ce poème, qui se lit comme suit :

MAMAN

J’ai parfois honte de ne pas pouvoir te réconforter dans la langue mi’kmaq, me faire enseigner cette langue et me faire raconter ton histoire en mi’kmaq. Cependant, aujourd’hui, je tiens à te rappeler que ce que tu m’as donné de plus précieux n’est pas quelque chose qu’on peut décrire avec des mots, que ce soit en anglais ou en mi’kmaq. Ce qui m’est le plus cher, ce sont les valeurs que tu m’a inculquées :

La modération, dans une communauté qui a grand besoin de guérison;

La générosité et la bonté, malgré la pauvreté;

Le courage et la détermination, face à la violence des institutions;

L’égalité, dans un monde que le racisme a contaminé;

La gaieté, dans un monde qui manque cruellement de légèreté.

Wela’lioq. Merci beaucoup.

L’Africadian Empowerment Academy

L’honorable Wanda Thomas Bernard : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui sur le territoire non cédé et non restitué de la nation algonquine anishinaabeg pour attirer l’attention sur le 10e anniversaire de l’Africadian Empowerment Academy, anciennement connue sous le nom d’East Preston Empowerment Academy. L’Africadian Empowerment Academy se trouve dans le Mi’kma’ki, le territoire ancestral et non cédé du peuple mi’kmaq.

L’Africadian Empowerment Academy est un organisme sans but lucratif axé sur l’éducation et le perfectionnement des compétences. Il vise à donner aux Néo-Écossais d’origine africaine les moyens de réaliser leurs rêves et leurs aspirations. Faisant partie des quatre membres fondateurs de cet organisme qui ne comptait qu’un seul employé il y a 10 ans, je suis ravie de constater que l’Africadian Empowerment Academy compte maintenant 14 employés et un conseil d’administration actif. Au cours de ces 10 brèves années, l’Africadian Empowerment Academy a aidé environ 1 500 personnes dans le cadre de ses divers programmes.

L’Africadian Empowerment Academy s’efforce d’aider les Néo‑Écossais d’origine africaine à devenir des participants à part entière dans le tissu économique dynamique de la Nouvelle-Écosse et à être reconnus comme tels. Cet organisme inspire et aide les personnes d’origine africaine à atteindre leurs objectifs en matière d’éducation et de perfectionnement professionnel, ce qui leur permet de se prendre en main individuellement et collectivement grâce aux métiers spécialisés.

La cohorte de construction navale, en partenariat avec Irving Shipbuilding et le Collège communautaire de la Nouvelle-Écosse, a été la plus réussie de tous les programmes de la cohorte Irving pour les groupes méritant l’équité, y compris les femmes et les Autochtones. En 2021, l’Africadian Empowerment Academy a publié une étude d’impact économique et social réalisée par Deloitte, qui conclut que les diplômés de cet établissement ont contribué au produit intérieur brut de la province à hauteur de plus de 1 million de dollars sur une période de quatre ans, et que plus de 70 % des diplômés ont signalé une augmentation de leur revenu après avoir obtenu leur diplôme.

Les programmes de l’Africadian Empowerment Academy offrent une préparation à l’entrée dans la vie active et un soutien global aux étudiants dans les métiers spécialisés. Ils proposent des programmes pour les jeunes dans les métiers, y compris des camps de métiers pendant le congé de mars et des emplois d’été rémunérés dans des ministères et des entreprises privées. Ces programmes initient les jeunes Noirs aux métiers et leur offrent des emplois d’été intéressants, en plus de favoriser activement les échanges avec des partenaires communautaires.

Chers collègues, j’ai le privilège de féliciter publiquement l’Africadian Empowerment Academy pour sa décennie de travail essentiel, qui a apporté la prospérité économique aux Néo-Écossais d’origine africaine grâce à des possibilités de perfectionnement professionnel comme celles dont j’ai parlé.

Asante, merci.

L’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord

Le soixante-quinzième anniversaire

L’honorable Donna Dasko : La semaine dernière, des sénateurs et des Canadiens de partout au pays ont commémoré le 80e anniversaire du jour J, le jour du débarquement de Normandie orchestré par les Alliés, la plus importante invasion maritime de l’histoire et l’étape finale de l’assaut des Alliés pour vaincre l’Allemagne nazie.

Aujourd’hui, je prends la parole afin de souligner un autre événement survenu cinq ans après l’événement monumental qu’était le débarquement, mais qui y est étroitement lié. Cette année marque le 75e anniversaire de la création de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord, l’OTAN.

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, une bonne partie de l’Europe était dévastée. Près de 37 millions d’Européens ont perdu la vie pendant le conflit et le continent s’est retrouvé avec des camps de réfugiés, des rationnements et des millions de sans‑abri et d’orphelins.

En outre, l’Union soviétique menaçait les gouvernements élus d’Europe. La privation demeurait une menace contre la liberté et la stabilité. Par conséquent, dans le but de dissuader les Soviétiques de mener toute agression et d’empêcher les braises du conflit européen d’être ravivées, 12 pays ont signé le Traité de l’Atlantique Nord, le 4 avril 1949. Dans le très connu article 5 du traité, les parties nouvellement alliées conviennent « qu’une attaque armée contre l’une ou plusieurs d’entre elles [...] sera considérée comme une attaque dirigée contre toutes les parties » et que, si une telle attaque devait se produire, chacune des parties prendra « telle action qu’elle jugera nécessaire, y compris l’emploi de la force armée » en réponse.

Le Canada est fier d’être l’un des membres fondateurs de l’OTAN, notre principale contribution étant l’article 2, qui engage les membres à maintenir un système politique libre et à promouvoir la coopération économique. C’était la première fois que le Canada adhérait à une alliance en temps de paix.

L’OTAN a maintenu la paix et a réussi à dissuader l’Union soviétique pendant la guerre froide. L’alliance a été transformée après l’effondrement de l’Union soviétique, mais au lieu de disparaître, elle a attiré la plupart des anciens pays du Pacte de Varsovie, ce qui en dit long. L’invasion massive de l’Ukraine par la Russie en 2022 a incité la Suède et la Finlande à demander leur adhésion à l’alliance, qui compte aujourd’hui 32 pays.

L’OTAN, qui a été qualifiée d’alliance la plus réussie de l’histoire, célébrera son 75e anniversaire à son sommet, le mois prochain, à Washington. Dans son discours devant l’Association parlementaire canadienne de l’OTAN, auquel j’ai assisté en compagnie de nos collègues les sénateurs Gignac, Patterson and Carignan le mois dernier, le secrétaire général Stoltenberg a assuré aux délégués que l’Ukraine serait une priorité urgente lors du sommet.

Chers collègues, avant l’invasion de l’Ukraine par la Russie en 2022, il aurait été inhabituel pour moi de faire une déclaration au sujet de cette alliance ou de toute autre alliance militaire. Comme beaucoup de Canadiens, je tenais beaucoup de choses pour acquises. Cependant, cette terrible et brutale invasion m’a fait clairement comprendre l’importance de l’OTAN pour la paix et la sécurité de notre pays de même que l’importance qu’elle aura pour une Europe libre et démocratique ainsi que pour une Ukraine libre et démocratique à l’avenir.

(1420)

L’OTAN offre plus qu’une défense de territoire; c’est une force vitale pour la paix, la démocratie et notre mode de vie.

Merci.


AFFAIRES COURANTES

L’étude sur le service extérieur canadien et d’autres éléments de l’appareil de politique étrangère au sein d’Affaires mondiales Canada

Douzième rapport du Comité des affaires étrangères et du commerce international—Dépôt de la réponse du gouvernement

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, la réponse du gouvernement au douzième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international, intitulé Plus qu’une vocation : le Canada doit se doter d’un service extérieur adapté au XXIe siècle, déposé auprès du greffier du Sénat le 6 décembre 2023.

(Conformément à l’article 12-23(4) du Règlement, cette réponse et le rapport initial sont renvoyés d’office au Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international.)

[Français]

Projet de loi corrective de 2023

Présentation du vingt-quatrième rapport du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles

L’honorable Mobina S. B. Jaffer, présidente du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, présente le rapport suivant :

Le jeudi 13 juin 2024

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a l’honneur de présenter son

VINGT-QUATRIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi S-17, Loi visant à corriger des anomalies, contradictions, archaïsmes ou erreurs relevées dans les lois et règlements du Canada et à y apporter d’autres modifications mineures et non controversables ainsi qu’à abroger certaines dispositions ayant cessé d’avoir effet, a, conformément à l’ordre de renvoi du 30 mai 2024, examiné ledit projet de loi et en fait maintenant rapport avec les modifications suivantes :

1.Supprimer l’article 137, page 50.

2.Supprimer l’article 158, page 57.

Respectueusement soumis,

La présidente,

MOBINA S. B. JAFFER

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion de la sénatrice Jaffer, l’étude du rapport est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

Projet de loi d’exécution de l’énoncé économique de l’automne 2023

Présentation du dix-septième rapport du Comité des finances nationales

L’honorable Claude Carignan, président du Comité sénatorial permanent des finances nationales, présente le rapport suivant :

Le jeudi 13 juin 2024

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales a l’honneur de présenter son

DIX-SEPTIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi C-59, Loi portant exécution de certaines dispositions de l’énoncé économique de l’automne déposé au Parlement le 21 novembre 2023 et de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 28 mars 2023, a, conformément à l’ordre de renvoi du mardi 4 juin 2024, examiné ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement, mais avec des observations qui sont annexées au présent rapport.

Respectueusement soumis,

Le président,

CLAUDE CARIGNAN

(Le texte des observations figure aux Journaux du Sénat d’aujourd’hui, p. 2918.)

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Moncion, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

Projet de loi no 1 d’exécution du budget de 2024

Dépôt du dix-huitième rapport du Comité des finances nationales sur la teneur du projet de loi

L’honorable Claude Carignan : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le dix‑huitième rapport du Comité sénatorial permanent des finances nationales, qui porte sur la teneur du projet de loi C-69, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 16 avril 2024.

[Traduction]

Projet de loi canadienne sur les emplois durables

Présentation du vingt-troisième rapport du Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie

L’honorable Ratna Omidvar, présidente du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, présente le rapport suivant :

Le jeudi 13 juin 2024

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie a l’honneur de présenter son

VINGT-TROISIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi C-50, Loi concernant la responsabilité, la transparence et la mobilisation à l’appui de la création d’emplois durables pour les travailleurs et de la croissance économique dans une économie carboneutre, a, conformément à l’ordre de renvoi du 23 mai 2024, examiné ledit projet de loi et an fait maintenant rapport sans amendement, mais avec des observations qui sont annexées au présent rapport.

Respectueusement soumis,

La présidente,

RATNA OMIDVAR

(Le texte des observations figure aux Journaux du Sénat d’aujourd’hui, p. 2919.)

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Yussuff, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

Le Code canadien du travail
Le Règlement de 2012 sur le Conseil canadien des relations industrielles

Projet de loi modificatif—Présentation du vingt-quatrième rapport du Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie

L’honorable Ratna Omidvar, présidente du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, présente le rapport suivant :

Le jeudi 13 juin 2024

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie a l’honneur de présenter son

VINGT-QUATRIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi C-58, Loi modifiant le Code canadien du travail et le Règlement de 2012 sur le Conseil canadien des relations industrielles, a, conformément à l’ordre de renvoi du jeudi 6 juin 2024, examiné ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement, mais avec des observations qui sont annexées au présent rapport.

Respectueusement soumis,

La présidente,

RATNA OMIDVAR

(Le texte des observations figure aux Journaux du Sénat d’aujourd’hui, p. 2921.)

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Lankin, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

(1430)

[Français]

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Première lecture

Son Honneur la Présidente annonce qu’elle a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-332, Loi modifiant le Code criminel (contrôle coercitif d’un partenaire intime), accompagné d’un message.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion de la sénatrice LaBoucane-Benson, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

[Traduction]

L’Association parlementaire canadienne de l’OTAN

La session annuelle, tenue du 18 au 21 novembre 2022—Dépôt du rapport

L’honorable Rebecca Patterson : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de l’Association parlementaire canadienne de l’OTAN concernant la 68e session annuelle, tenue à Madrid, en Espagne, du 18 au 21 novembre 2022.

La réunion du Bureau et les réunions conjointes de la Commission de la défense et de la sécurité, de la Commission de l’économie et de la sécurité et de la Commission politique, tenues du 19 au 22 février 2023—Dépôt du rapport

L’honorable Rebecca Patterson : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de l’Association parlementaire canadienne de l’OTAN concernant la réunion du Bureau et les réunions conjointes de la Commission de la défense et de la sécurité, de la Commission de l’économie et de la sécurité et de la Commission politique, tenues à Bruxelles, en Belgique, du 19 au 22 février 2023.

La réunion du Bureau et la session du printemps, tenues du 19 au 22 mai 2023—Dépôt du rapport

L’honorable Rebecca Patterson : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de l’Association parlementaire canadienne de l’OTAN concernant la réunion du Bureau et la session du printemps, tenues à Luxembourg, au Luxembourg, du 19 au 22 mai 2023.

La session annuelle, tenue du 6 au 9 octobre 2023—Dépôt du rapport

L’honorable Rebecca Patterson : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de l’Association parlementaire canadienne de l’OTAN concernant la 69e session annuelle, tenue à Copenhague, au Danemark, du 6 au 9 octobre 2023.

La visite de la Sous-commission sur l’avenir de la sécurité et des capacités de défense, du 11 au 15 mars 2024—Dépôt du rapport

L’honorable Rebecca Patterson : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de l’Association parlementaire canadienne de l’OTAN concernant la visite de la Sous-commission sur l’avenir de la sécurité et des capacités de défense, tenue à Boston, dans le Massachusetts, à New Haven, dans le Connecticut, et à New York, dans l’État de New York, du 11 au 15 mars 2024.

Le Groupe interparlementaire Canada-Japon

La visite annuelle des coprésidents, du 13 au 17 novembre 2023—Dépôt du rapport

L’honorable Stan Kutcher : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport du Groupe interparlementaire Canada-Japon concernant la visite annuelle des coprésidents, tenue à Hakodate, à Sapporo et à Tokyo, au Japon, du 13 au 17 novembre 2023.

L’Association législative Canada-Chine
Le Groupe interparlementaire Canada-Japon

La réunion annuelle du Forum parlementaire Asie-Pacifique, tenue du 23 au 26 novembre 2023—Dépôt du rapport

L’honorable Stan Kutcher : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de l’Association législative Canada-Chine et du Groupe interparlementaire Canada-Japon concernant la 31e réunion annuelle du Forum parlementaire Asie-Pacifique, tenue à Manille, aux Philippines, du 23 au 26 novembre 2023.

Affaires juridiques et constitutionnelles

Autorisation au comité de siéger en même temps que le Sénat

L’honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5a) du Règlement, je propose :

Que le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles soit autorisé à se réunir le mardi 18 juin 2024 afin de continuer l’examen article par article du projet de loi S-15, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur la protection d’espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial, même si le Sénat siège à ce moment-là et que l’application de l’article 12-18(1) du Règlement soit suspendue à cet égard.

Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

La nécessité d’un développement et d’une utilisation sûrs et productifs de l’intelligence artificielle

Préavis d’interpellation

L’honorable Rosemary Moodie : Honorables sénateurs, je donne préavis que, après-demain :

J’attirerai l’attention du Sénat sur la nécessité d’un développement et d’une utilisation sûrs et productifs de l’intelligence artificielle au Canada.

[Français]

Le Sénat

Hommages aux pages à l’occasion de leur départ

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vais continuer les hommages aux pages qui nous quitteront cette année.

Isabelle Beauchesne entamera sa dernière année d’études à l’Université Carleton dans un programme de lettres, et elle attend avec impatience ce que l’avenir lui réserve. Elle est incroyablement reconnaissante d’avoir pu participer à ce merveilleux programme et elle tient à remercier tous ceux et celles qui ont rendu ses deux dernières années comme page aussi mémorables.

Merci, Isabelle.

Des voix : Bravo!

Son Honneur la Présidente : Maxim François est honoré d’avoir eu la chance de représenter le Manitoba au sein du Programme des pages du Sénat ces deux dernières années. Il tient à remercier le Sénat d’avoir fait de cette occasion une expérience tout à fait inoubliable et il remercie en particulier le Bureau de l’huissier du bâton noir, qui lui a donné cette magnifique possibilité. Maxim entamera cet automne sa quatrième année d’études en science politique à l’Université d’Ottawa. Bien que son parcours dans le Programme des pages tire à sa fin, il espère rester un membre de la famille du Sénat.

Merci beaucoup, Maxim.

Des voix : Bravo!

Son Honneur la Présidente : Hechun Ouyang est fier d’être le premier page de l’histoire du Sénat à étudier à l’Université du Québec en Outaouais. Hechun finira son baccalauréat en informatique en tant qu’étudiant dans un programme d’échange en Espagne l’année prochaine. Si jamais un sénateur a, par hasard, besoin d’un page virtuel, il sera disponible. Hechun est reconnaissant envers tout le personnel du Sénat pour l’année enrichissante qu’il a passée au Sénat. Il a hâte de voir où ses expériences le mèneront.

Merci beaucoup, Hechun.

Des voix : Bravo!

[Traduction]

Son Honneur la Présidente : Je passe maintenant à Siena Pacheco. Siena a eu le privilège d’être page cette année, mais sa participation au Programme des pages touche à sa fin. En effet, la semaine prochaine, elle obtiendra de l’Université Carleton un baccalauréat en études mondiales et internationales avec une spécialisation en politique mondiale et une mineure en musique. À l’automne, elle reviendra à l’Université Carleton pour faire une maîtrise à la Norman Paterson School of International Affairs, afin de se spécialiser dans le fonctionnement des organisations internationales et en politiques publiques et internationales. Elle tient à remercier le Bureau de l’huissier du bâton noir, ses collègues pages et sa famille pour leur soutien indéfectible au cours de la dernière année. Merci, Siena.

Des voix : Bravo!

Son Honneur la Présidente : C’est au tour de Mira Gillis.

Après trois années, Mira, qui a été page et première page adjointe, s’apprête à quitter ses fonctions. La semaine prochaine, elle obtiendra son diplôme de l’Université Carleton, où elle a terminé un baccalauréat en affaires publiques et gestion des politiques. L’automne prochain, elle poursuivra des études de deuxième cycle à la London School of Economics and Political Science, au Royaume-Uni, afin d’obtenir une maîtrise en gouvernance des médias et des communications. Mira sera toujours reconnaissante d’avoir travaillé au Sénat et d’avoir eu l’occasion d’y rencontrer un grand nombre de personnes en cours de route. Elle tient à remercier sa famille, à Windsor et au Cap-Breton, ses collègues pages et l’équipe du Bureau de l’huissier du bâton noir pour tout l’amour et le soutien qu’ils lui ont donnés pendant les années qu’elle a passées à Ottawa.

Merci, Mira.

Des voix : Bravo!


(1440)

PÉRIODE DES QUESTIONS

L’environnement et le changement climatique

La taxe sur le carbone

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Mes félicitations à tous les pages.

Monsieur le leader, en mai, le gouvernement Trudeau a donné au directeur parlementaire du budget des informations secrètes sur la taxe sur le carbone du premier ministre, puis lui a imposé la consigne du silence à ce sujet.

Plus tôt dans la journée, cette information a été révélée à la CBC. Un reportage de la CBC affirme que selon les données du gouvernement Trudeau, la taxe sur le carbone entraîne un manque à gagner de 20 milliards de dollars pour l’économie canadienne. Cela équivaudrait à une baisse d’environ 1 200 $ par ménage canadien du produit intérieur brut, ou PIB. Monsieur le leader, le reportage de la CBC donne-t-il l’heure juste? Dans l’affirmative, comment le gouvernement Trudeau peut-il continuer à prétendre que la taxe sur le carbone n’a aucune incidence sur les recettes?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de la question. Je confirme que le reportage de la CBC est factuel, mais que votre exposé des faits est très sélectif et incomplet.

Le reportage en question évoque, entre autres, le coût énorme pour l’économie si aucune mesure n’est prise pour lutter contre le changement climatique.

Les chiffres que le gouvernement a demandés ne constituent pas une analyse complète de la question. Ils n’incluent pas les 11 milliards de dollars par an de remboursements réinjectés dans l’économie. Ils n’incluent pas non plus les milliards de dollars de dépenses supplémentaires qui résulteraient de l’absence de mesures en matière de tarification du carbone.

Lorsque tous les faits sont pris en compte, il ressort que la tarification de la pollution est une mesure efficace pour lutter contre le changement climatique.

Le sénateur Plett : Monsieur le leader, le 1er avril, malgré la crise de l’abordabilité dont souffrent les familles partout au Canada, le gouvernement néo-démocrate du premier ministre Trudeau a haussé la taxe sur le carbone de 23 %. Le rapport sur le coût économique a-t-il été produit avant ou après que ce gouvernement incompétent aille de l’avant avec la hausse de la taxe sur le carbone?

Est-ce que les Canadiens pourront voir le rapport en entier au lieu de devoir se contenter du reportage de la CBC?

Le sénateur Gold : Encore une fois, les chiffres dont vous parlez ne rendent pas compte de l’analyse complète des coûts et des avantages de la tarification du carbone. C’est la raison pour laquelle il ne faut pas se concentrer seulement sur certains chiffres en particulier.

Comme je l’ai dit, les chiffres ne tiennent pas compte des remboursements offerts aux Canadiens, de leur injection dans l’économie ni des investissements qui sont faits dans le cadre de la transition vers une économie plus propre et plus durable.

Les finances

Le taux d’imposition

L’honorable Leo Housakos : Sénateur Gold, les slogans semblent vous contrarier ces jours-ci. J’ai pensé vous en présenter quelques-uns qui sont susceptibles de vous plaire davantage.

Commençons par les « voies ensoleillées », sénateur Gold. Après neuf ans sous la gouverne de Justin Trudeau, il n’y a eu que des voies ensoleillées pour les proches du Parti libéral, y compris les membres de la famille du premier ministre et ses amis intimes.

Il y a aussi le slogan « [...] soutenir la classe moyenne et les personnes qui travaillent fort pour en faire partie ». Que dire de celui-là? Certes, les Canadiens travaillent fort, mais, après neuf ans de Justin, la seule classe dont ils ont fait l’expérience appartient à la dure école de la vie.

Il y en a aussi quelques-uns qui n’ont pas très bien marché, comme « [...] faire croître l’économie du cœur vers le haut » ou « le budget s’équilibrera de lui-même » ou encore la pièce de résistance : « merci pour votre don ».

Voici un slogan pour vous, sénateur Gold : « essayez », comme dans « essayez de faire ce qu’il faut pour les Canadiens » ou « essayez de diminuer les taxes plutôt que de les augmenter ».

Croyez-vous que Justin Trudeau est en mesure de simplement donner aux Canadiens un répit, en réduisant un peu le fardeau fiscal?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Eh bien, sénateur Housakos, vous avez toujours la main lorsqu’il s’agit de nous divertir en proposant des slogans, mais, lorsqu’il s’agit de politique, votre offre est plutôt mince.

Le fait demeure...

Une voix : Comme toujours.

Le sénateur Gold : Dans une entrevue très révélatrice, votre chef a clairement indiqué qu’il s’en tenait à une vision plutôt libertaire du rôle de l’État au Canada, c’est-à-dire un État minimal : oui, des routes, peut-être, et quelques infrastructures, et peut-être un filet de sécurité sociale. Le gouvernement actuel a investi dans le Canada et dans les Canadiens pendant la pandémie; il a investi dans notre transition vers une économie plus propre et plus durable, et il continuera à le faire dans l’intérêt de notre pays, de nos enfants et de nos petits-enfants.

Le sénateur Housakos : Sénateur Gold, vous n’aimez pas les slogans conservateurs, et il semble que vous aimez encore moins les slogans libéraux. Votre gouvernement vient d’instaurer un impôt qui nuit aux emplois, aux investissements et aux retraites sous le couvert de l’équité. Vous détenez le record d’augmentation des impôts et des taxes pour les Canadiens.

Comment se fait-il que votre gouvernement n’ait jamais envisagé, par souci d’équité, de réduire une taxe ou un impôt? Essayez donc. Pourquoi votre démarche est-elle toujours de diaboliser les vaillants Canadiens et de voler leur argent? Pourquoi ne pas leur donner leur argent et les laisser faire ce qu’ils veulent avec?

Une voix : Bravo!

Le sénateur Gold : Je ne diabolise pas les vaillants Canadiens et je n’insulte pas leur intelligence. Je vous explique la position du gouvernement et sa vision globale pour notre pays : une vision qui tient compte des changements climatiques et des mouvements de capitaux dans le monde en ce qui concerne l’investissement dans les énergies propres et durables. Il continuera à défendre son bilan.

L’industrie

La Banque de l’infrastructure du Canada

L’honorable Tony Loffreda : Sénateur Gold, un nouveau rapport de l’Institut urbain du Canada estime que le coût moyen des infrastructures nécessaires au logement dépasse probablement 100 000 $ pour chaque nouveau logement que l’on construit. Il s’agit des coûts associés aux transports publics, aux routes, aux aqueducs, aux écoles, aux installations de loisirs et ainsi de suite.

Il faudra construire près de 6 millions de logements d’ici 2030 pour répondre à la demande actuelle en pleine croissance, mais l’établissement de collectivités prospères, familiales et abordables exige bien davantage.

Compte tenu de tous les fonds fédéraux injectés dans le logement, quel rôle le gouvernement joue-t-il, le cas échéant, pour aider à coordonner les nouveaux projets de logements et s’assurer que les infrastructures nécessaires au logement ne sont pas négligées et qu’elles sont financées de manière adéquate?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question et de me donner l’occasion d’expliquer le raisonnement à l’égard de la situation. Comme je l’ai dit à maintes reprises, les municipalités, entre autres, sont en première ligne lorsqu’il s’agit de relever certains des plus grands défis auxquels les Canadiens sont confrontés de nos jours en matière de logement.

C’est pourquoi le gouvernement fédéral apporte le soutien dont les municipalités ont besoin, notamment 2,40 milliards de dollars par l’intermédiaire du Fonds pour le développement des collectivités du Canada pour 2023-2024 afin d’aider les municipalités à répondre à leurs besoins en matière d’infrastructures, le nouveau Fonds canadien pour les infrastructures liées au logement de 6 milliards de dollars pour accélérer la construction et la modernisation des infrastructures de logement essentielles, y compris 1 milliard de dollars pour les municipalités afin de soutenir les infrastructures urgentes pour favoriser la construction de logements, et le tout premier financement permanent du transport en commun pour les villes du Canada à partir de 2026-2027.

Le gouvernement fédéral continuera à travailler avec les maires pour bâtir les collectivités que les Canadiens méritent.

Le sénateur Loffreda : Le rapport de l’institut a été financé par la Banque de l’infrastructure du Canada, qui pourrait évidemment jouer un rôle important dans le financement des diverses installations nécessaires.

Comme vous le savez, la banque a lancé l’Initiative d’infrastructures pour le logement en mars 2024 afin de fournir un financement à faible coût pour permettre aux municipalités et aux communautés autochtones d’aménager les infrastructures nécessaires pour bâtir des logements.

Combien d’argent a été affecté à cette initiative? Quels sont les critères d’admissibilité? A-t-on réalisé des investissements jusqu’à présent?

Le sénateur Gold : En gros, les critères d’admissibilité sont les suivants : le projet doit nécessiter un investissement d’au moins 50 millions de dollars et générer des recettes supplémentaires pour la municipalité; l’emprunteur doit être une municipalité canadienne ou une société appartenant à une municipalité; et, enfin, le projet doit être nouveau ou comprendre des améliorations majeures et nécessaires. Même s’il s’agit d’une initiative relativement nouvelle, la Banque de l’infrastructure du Canada a déjà réalisé des investissements importants, y compris un versement de 140 millions de dollars à la Ville de Brandon et à la coopérative des eaux usées de Red-Seine-Rat, dans le Sud-Est du Manitoba, ce qui devrait permettre de construire jusqu’à 15 000 logements dans ces collectivités en croissance.

Le patrimoine canadien

Le Programme d’aide aux musées

L’honorable Pat Duncan : Sénateur Gold, le financement fédéral pour les quelque 2 700 musées d’un bout à l’autre du Canada a diminué, et ce, même si leurs besoins sont plus élevés que jamais. Le budget de 2024 n’inclut pas les niveaux de financement que l’Association des musées canadiens recommande pour le Programme d’aide aux musées. Sénateur Gold, accepteriez-vous de soulever la question de ces sérieuses lacunes auprès de la ministre de Patrimoine canadien?

Comprenez-moi bien, je ne parle pas des grands musées nationaux principalement situés à Ottawa. Je parle des petits musées qui sont tout aussi importants pour garder en mémoire notre histoire et notre identité en tant que Canadiens et qui ont un besoin urgent de financement accru par l’entremise du Programme d’aide aux musées.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Eh bien, je vous remercie de votre question. Les musées sont un élément important de notre paysage culturel. Ils aident les Canadiens de toutes les générations à connaître notre histoire et notre culture. J’habite maintenant dans une très petite communauté rurale, mais on y retrouve un musée local. En fait, il y a de nombreux musées locaux dans la région, et il est fascinant de découvrir comment s’est érigée notre nation. Dans le cas du musée de ma communauté, nous en apprenons sur l’immigration et l’installation des loyalistes et les changements qui ont suivi.

(1450)

Je vais certainement soulever cette question auprès de la ministre, à la première occasion.

La sénatrice Duncan : Je vous remercie. En ce Mois national de l’histoire autochtone, je tiens également à souligner l’appel croissant en faveur du rapatriement de plus de 1,6 million d’objets prélevés sur cette terre et aujourd’hui dispersés dans le monde entier.

Pourquoi le gouvernement a-t-il décidé de ne pas augmenter le financement des musées en place, comme on l’avait demandé? Avez-vous connaissance de projets relatifs au financement du rapatriement d’objets autochtones?

Le sénateur Gold : Merci pour cette question. La réconciliation comporte de nombreuses facettes et dimensions. L’une d’entre elles, bien sûr, consiste à travailler avec les Premières Nations et les autres communautés autochtones pour les aider à célébrer et à utiliser leurs artefacts et leur art comme ils l’entendent pour transmettre leur culture au sein de leurs communautés et au-delà.

Je ne peux pas spéculer sur un financement futur. Je ne manquerai pas d’en parler au ministre lorsque je le rencontrerai.

La sécurité publique

Le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement

L’honorable Percy E. Downe : Sénateur Gold, étant donné la différence entre la façon dont on traite les chefs de parti à la Chambre des communes et les leaders au Sénat, j’aimerais savoir si vous avez parlé directement au ministre LeBlanc afin qu’on prenne les mesures nécessaires pour que les leaders des groupes du Sénat puissent lire le rapport du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement dans sa version non caviardée, comme l’a fait Elizabeth May, la cheffe du Parti vert. Ce parti ne compte que deux députés et n’est pas reconnu à la Chambre des communes. Offrira-t-on la même courtoisie au Sénat?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. Comme on le sait, la possibilité de demander la cote de sécurité requise pour pouvoir examiner le rapport non caviardé a déjà été offerte aux chefs des partis fédéraux. L’accès à cette version non caviardée est toutefois délibérément limité à un très petit nombre de personnes. Je peux confirmer, à titre d’exemple, que cet accès ne m’a pas été offert et qu’il n’a pas été offert à bon nombre de ministres.

Le gouvernement examine actuellement la possibilité d’élargir cet accès, notamment pour les leaders et les facilitateurs des caucus et des groupes reconnus au Sénat. Nous comprenons tous, j’en suis sûr, que la gestion de l’accès à des documents non censurés de cette nature est un enjeu sérieux et d’une extrême complexité. Aucun gouvernement ne peut prendre à la légère la décision d’accorder l’accès à des renseignements classifiés.

Comme le ministre LeBlanc l’a déclaré au Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants, il a été informé de cet enjeu et il travaille avec moi et mon bureau pour amener le gouvernement à une décision raisonnée. Honorables sénateurs, veuillez avoir confiance que, lorsque…

Son Honneur la Présidente : Merci, sénateur Gold.

Le sénateur Downe : Sénateur Gold, pourquoi y a-t-il deux poids, deux mesures dans le traitement réservé aux deux Chambres? Les chefs à la Chambre des communes ont lu le rapport non caviardé ou ont réservé une plage horaire pour le lire, mais au Sénat, rien. Aucun arrangement n’a été pris pour que les leaders puissent lire le rapport.

Les leaders des quatre groupes au Sénat ne sont-ils pas dignes de confiance au même titre que les chefs des groupes reconnus — même Elizabeth May — à la Chambre des communes? Pourquoi ce deux poids, deux mesures?

Des voix : Bravo!

Le sénateur Gold : Chers collègues, il faut comprendre que l’approche actuelle du gouvernement concernant le rapport du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement concorde avec le processus qui a été suivi dans le passé dans les questions d’ingérence étrangère, notamment avec les recommandations du rapporteur spécial indépendant selon lesquelles le gouvernement doit collaborer avec les chefs des partis de l’opposition à la Chambre des communes pour qu’ils obtiennent l’habilitation de sécurité requise.

C’est le processus qui a été mis en œuvre pour le rapport du rapporteur spécial et qui est maintenant mis en œuvre pour le rapport du comité. J’ai soulevé la question…

Une voix : Le temps, madame la Présidente!

Le Bureau du Conseil privé

Les projets de loi d’initiative parlementaire

L’honorable Marty Klyne : Dans un autre ordre d’idées, sénateur Gold, la sénatrice Dasko a parlé d’un sondage qui montre que 69 % des Canadiens souhaitent que les futurs gouvernements continuent à nommer des sénateurs indépendants. Seulement 5 % des Canadiens souhaitent un retour au système partisan. Cependant, en vertu de notre Règlement, certains sénateurs...

Son Honneur la Présidente : Sénateur Klyne, j’arrête le chronomètre. J’aimerais que tout le monde respecte les sénateurs qui prennent la parole, que ce soit pour poser une question ou pour répondre à une question. Merci.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Klyne : Merci, Votre Honneur.

Sénateur Gold, la semaine dernière, sénateur Gold, la sénatrice Dasko a parlé d’un sondage qui montre que 69 % des Canadiens souhaitent que les futurs gouvernements continuent à nommer des sénateurs indépendants. Seulement 5 % des Canadiens souhaitent un retour au système partisan. Cependant, en vertu de notre Règlement, certains sénateurs détiennent actuellement un droit de veto de facto sur la mise aux voix des initiatives des sénateurs indépendants.

Dans un discours récent, le sénateur Dalphond a également souligné que le Sénat plus indépendant n’a pas encore de dispositions dans le Règlement qui assurent l’équité, la transparence et la diligence raisonnable du processus d’examen des projets de loi d’initiative parlementaire de la Chambre des communes. Le bureau du représentant du gouvernement précédent a recommandé de prendre des mesures à ce sujet au cours de la première année de la dernière législature.

Sénateur Gold, le Sénat devrait-il envisager d’éventuelles modifications du Règlement en automne?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question, monsieur le sénateur. Le bureau du représentant du gouvernement est toujours ouvert aux bonnes idées pour faire progresser la modernisation du Sénat. Il se réjouirait, bien sûr, de la tenue d’un dialogue ouvert sur la façon dont le Sénat peut le mieux s’acquitter de son devoir d’examiner soigneusement les mesures législatives.

Je note, chers collègues, qu’un certain nombre de propositions ont été faites et que de nombreux sénateurs ont des idées sur le sujet. Nous parlons maintenant de projets de loi d’initiative parlementaire provenant de l’autre endroit. Il est entre autres question d’un système de loterie, comme celui qui est utilisé à l’autre endroit. Dans ce contexte, un dialogue plus structuré et axé sur les résultats serait avantageux.

Mon bureau serait très favorable à ce que le Comité du Règlement se penche sur la question pour établir une approche qui bénéficierait d’un vaste appui au Sénat.

Le sénateur Klyne : Sénateur Gold, à cet égard, je me concentre sur le projet de loi C-273, un projet de loi présenté par le député Peter Julian qui vise à interdire le recours aux châtiments corporels contre les enfants au Canada. Il a atteint l’étape du rapport à l’autre endroit et il donne suite à l’appel à l’action no 6 de la Commission de vérité et réconciliation.

Si le projet de loi C-273 est renvoyé au Sénat, le gouvernement souhaiterait-il qu’un processus de mise aux voix opportun et transparent s’y applique?

Le sénateur Gold : Merci. Je serai clair : le gouvernement s’est engagé à mettre en œuvre l’ensemble des appels à l’action découlant du rapport final de 2015 de la Commission de vérité et réconciliation du Canada. L’abrogation de l’article 43 serait une étape de plus vers l’atteinte de cet objectif, étant donné qu’elle est conforme à l’appel à l’action no 6.

De façon plus générale, le gouvernement est d’avis que les projets de loi d’initiative parlementaire dûment adoptés par la Chambre élue doivent être débattus, étudiés et mis aux voix au Sénat.

Les finances

Le taux d’inclusion des gains en capital

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Monsieur le leader, selon un sondage Nanos publié plus tôt cette semaine, un Canadien sur cinq connaît quelqu’un qui a eu recours à une banque alimentaire au cours de la dernière année. Le panier d’épicerie est hors de prix pour de nombreux Canadiens, mais le gouvernement Trudeau pense que c’est le bon moment pour augmenter les impôts des agriculteurs qui cultivent les aliments.

Une étude publiée par les Producteurs de grains du Canada montre que la ferme céréalière moyenne subira une augmentation d’impôt de 30 % en raison du taux d’inclusion des deux tiers des gains en capital. L’organisme a déclaré ceci :

Cette hausse cible les régimes de retraite des agriculteurs, complique les transferts intergénérationnels et menace la viabilité à long terme des fermes familiales partout au pays.

Monsieur le leader, l’imposition des agriculteurs fait grimper le coût des aliments pour les Canadiens. Quelle sera l’augmentation du prix des aliments attribuable à cette hausse d’impôt?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. La modification du taux d’inclusion et de l’impôt sur les gains en capital est une mesure générale qui ne se limite pas à une industrie en particulier. Elle vise plutôt à rétablir une situation fiscale qui a déjà prévalu.

N’oublions pas, chers collègues, que des millions de Canadiens n’enregistrent aucun gain en capital. Ils touchent peut-être un salaire. Ce sont peut-être des travailleurs à la demande qui paient un taux marginal d’imposition beaucoup plus élevé que ceux d’entre nous qui sont privilégiés.

(1500)

Le changement du taux d’inclusion ne devrait pas avoir une incidence considérable sur le prix des aliments ou sur toute autre mesure, de la même façon que la tarification de la pollution n’a qu’une faible incidence sur ces coûts en raison de la véritable nature des facteurs qui influent malheureusement sur la hausse du coût des aliments au Canada et dans le monde.

Le sénateur Plett : La Fédération canadienne de l’agriculture a exprimé sa frustration et sa déception. Il s’agit de changements fiscaux importants qui sont adoptés à toute vitesse pendant que les agriculteurs sont dans les champs en train de planter leurs cultures. C’est un bon point, monsieur le leader. Y a-t-il qui que ce soit dans le gouvernement Trudeau incompétent qui a du respect pour les agriculteurs, monsieur le leader? Quelqu’un comprend-il au moins comment ils travaillent? Quelqu’un a-t-il pensé à consulter les agriculteurs avant d’instaurer cette mesure?

Le sénateur Gold : Le gouvernement respecte les agriculteurs et tous les Canadiens qui éprouvent des difficultés et qui travaillent fort pour leur famille. Cette mesure n’est pas adoptée à la hâte. Elle a été annoncée dans le budget. La Chambre des communes est saisie de cette question qui fera l’objet d’un vote démocratique.

L’environnement et le changement climatique

La taxe sur le carbone

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Comme on l’a déjà dit, le gouvernement Trudeau a transmis aujourd’hui à la CBC des données internes qui montrent que la taxe sur le carbone a coûté 20 milliards de dollars à l’économie du Canada. Cette information avait initialement été fournie au directeur parlementaire du budget par le sous-ministre d’Environnement et Changement climatique Canada dans une lettre datée du 14 mai 2024 :

Le ministère fournit […] de l’information non publiée. Par conséquent, je vous demande de veiller à ce qu’elle ne soit utilisée qu’à des fins internes par votre bureau et qu’elle ne soit pas rendue publique ou autrement diffusée.

Sénateur Gold, au cours des neuf dernières années, combien de fois le gouvernement a-t-il envoyé des lettres contenant une telle demande au directeur parlementaire du budget? Si vous ne le savez pas, pourriez-vous déposer la réponse?

Le sénateur Plett : Combien de fois?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Comme j’ai essayé de l’expliquer — et j’encourage tous les sénateurs que cela intéresse à lire les documents qui sont désormais publics —, les données dont vous parlez ne contenaient pas une analyse complète des coûts et des avantages de la tarification de la pollution. Elles ne tenaient compte ni des coûts de l’inaction, qui sont gigantesques, autant que le changement projeté du PIB, ni des quelque 10 milliards de dollars réinvestis dans l’économie par l’intermédiaire de la remise versée aux Canadiens, ni des investissements dans l’économie liés aux énergies propres.

La sénatrice Martin : Cependant, le public canadien a besoin de transparence. C’est là le point essentiel. Revenons donc aux instructions données au directeur parlementaire du budget d’utiliser seulement l’information en question à des fins internes. Sénateur Gold, combien de fois, au cours des neuf dernières années, votre gouvernement a-t-il fait de telles demandes à d’autres mandataires du Parlement? Pourriez-vous vous renseigner et déposer cette information au Sénat également?

Le sénateur Plett : Combien de fois?

Le sénateur Housakos : Pourriez-vous juste nous dire combien de fois?

Le sénateur Gold : Je ne suis pas prêt à prendre un tel engagement, sénatrice. Ce que j’essaie d’expliquer, c’est qu’au sein du gouvernement, de nombreuses analyses sont effectuées afin d’éclairer la prise de décision et l’élaboration des politiques. Votre façon de caractériser les choses est inexacte.

[Français]

Les finances

Les déclarations de revenus simplifiées

L’honorable Éric Forest : Sénateur Gold, le directeur parlementaire du budget a publié un rapport ce matin concernant les Canadiennes et les Canadiens qui ne produisent pas de déclarations de revenus.

Cette situation me préoccupe depuis longtemps et au plus haut point, car ces personnes sont privées de plusieurs mesures d’aide liées aux déclarations de revenus. Pensons seulement aux allocations pour enfants et au crédit pour la TPS. Selon les données recueillies par le directeur parlementaire du budget, 3,2 millions de personnes parmi les plus démunies ne produisent pas de déclarations de revenus, laissant ainsi sur la table près de 1,7 milliard de dollars en prestations qui leur sont dues.

Le plus étonnant, c’est que l’Agence du revenu du Canada possède des informations sur ces personnes. Dans certains cas, par exemple, des formulaires T4 ont été émis. Comment le gouvernement explique-t-il que si peu d’efforts sont faits pour rejoindre ces Canadiens et ces Canadiennes, qui sont si fragiles sur le plan économique?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. Le gouvernement surveille de près les taux de déclarations de revenus associés aux personnes invitées à utiliser le service automatisé Déclarer simplement par téléphone. En 2022, au moment de la période de production des déclarations de revenus, près de 97 % des invités ont produit leurs déclarations de revenus et ont pu avoir accès aux crédits et aux prestations auxquelles ils étaient admissibles.

En février 2024, l’ARC a émis plus de 1,5 million d’invitations aux Canadiens admissibles à faible revenu et vulnérables pour qu’ils utilisent le service Déclarer simplement par téléphone pour produire leurs déclarations de revenus et de prestations de 2023. L’ARC augmentera le nombre de Canadiens admissibles au service Déclarer simplement par téléphone à 2 millions de personnes d’ici 2025. De plus, au cours de l’été 2024, l’ARC mettra à l’essai un nouveau service de production automatique de déclarations de revenus qui aidera les Canadiens qui sont dans de telles situations.

Le sénateur Forest : Il y a effectivement des efforts qui sont faits, mais actuellement, les services ne produisent pas les résultats escomptés. Parmi ces 3,2 millions de personnes qui ne produisent pas de déclarations de revenus, certaines sont connues de l’Agence du revenu du Canada, mais il y a aussi tout ceux et toutes celles qui ne sont pas connus, soit en raison de barrières linguistiques ou de conditions propres à l’itinérance, par exemple. Ces personnes sont peu susceptibles d’être rejointes par le nouveau système automatisé qu’a promis le gouvernement. Est-ce que le représentant du gouvernement conviendra avec moi —

Le sénateur Gold : Merci de votre question. Le gouvernement a sensibilisé les médias pour informer les Canadiens de tous les outils qui sont à leur disposition pour qu’ils puissent demander des prestations. Les outils s’ajoutent au Programme communautaire des bénévoles en matière d’impôt, ou PCBMI, qui aide des milliers de personnes à obtenir des prestations et des crédits auxquels elles ont droit.

Cette année, des organisations ont tenu des cliniques fiscales gratuites en personne ou virtuelles. L’agence prévoit de consulter les intervenants, les organismes communautaires et les fiscalistes pour la prochaine phase du programme de production automatique de déclarations de revenus du Canada au-delà de 2025.

Le Bureau du Conseil privé

L’avancement des travaux législatifs

L’honorable Julie Miville-Dechêne : Sénateur Gold, le CRTC a annoncé qu’il retardait d’au moins un an l’entrée en vigueur du projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur la radiodiffusion. Ce ne sera pas avant la fin de 2025, donc après les prochaines élections. Ce grand retard m’inquiète, car au cœur de cette loi, il y avait l’espoir que le contenu francophone soit plus facile à découvrir sur les plateformes de diffusion en continu comme Spotify. C’est toute une génération de jeunes Québécois et de francophones qui, depuis des années, écoutent de moins en moins de musique dans leur langue; ils ont donc moins de contacts avec leur culture. Pourrait-on accélérer un peu le rythme?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. L’objectif du gouvernement avec la Loi sur la diffusion continue en ligne est d’assurer que les Canadiens se voient et voient leur identité reflétée dans les films, les émissions de télévision et la musique qu’ils consomment sur les plateformes de diffusion en continu et que les artistes soient rémunérés pour leur travail. Il s’agit d’un texte législatif très important que nous avons étudié en profondeur dans cette enceinte.

En ce qui concerne votre question, chère collègue, le CRTC est un tribunal administratif indépendant du gouvernement fédéral, et je ne suis pas en mesure de répondre en son nom.

La sénatrice Miville-Dechêne : C’est d’ailleurs la raison pour laquelle je pose ma sous-question : parlant de rythme et plus particulièrement du projet de loi C-63, le ministre de la Justice n’a pas voulu s’engager à ce que la future commission qui doit veiller à limiter les préjudices en ligne pour les enfants soit en place avant les prochaines élections. Pourtant, là aussi, on est déjà très en retard comparativement à des pays comme l’Australie et la Grande‑Bretagne. Il y a urgence, à mon avis. Qu’en pensez-vous?

Le sénateur Gold : Merci de votre question. Il s’agit certainement d’un problème sérieux, et c’est la raison pour laquelle le gouvernement prend des mesures. Je crois savoir que le projet de loi C-63 en est actuellement à l’étape de la deuxième lecture à l’autre endroit et, comme plusieurs d’entre vous, je me réjouis d’avoir l’occasion d’examiner cet important texte législatif dès qu’il arrivera ici.

(1510)


[Traduction]

ORDRE DU JOUR

Éthique et conflits d’intérêts des sénateurs

Adoption du troisième rapport du comité

Le Sénat passe à l’étude du troisième rapport du Comité permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs, intitulé Examiner, en vue de les proposer au Sénat, des modifications au Code régissant l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs au sujet de la nomination des membres du Comité permanent sur l’Éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs, présenté au Sénat le 11 juin 2024.

L’honorable Judith G. Seidman propose que le rapport soit adopté.

 — Honorables sénateurs, le rapport a été adopté par le Comité permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs, conformément à un ordre de renvoi reçu le 8 mai, suivant l’adoption par le Sénat de la motion no 165 du gouvernement. La motion, présentée par le représentant du gouvernement au Sénat, vise à modifier l’article 12-26(1) du Règlement du Sénat afin d’ajouter le leader ou le facilitateur du parti reconnu ou du groupe parlementaire reconnu qui compte le plus de membres — non affiliés au parti du gouvernement ou de l’opposition —, pour proposer la composition du Comité permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs lors d’une nouvelle session. La motion no 165 du gouvernement comprenait une instruction au Comité permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs qui consistait à présenter au Sénat, dans les 30 jours suivant l’adoption de la motion, un rapport proposant des modifications au Code régissant l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs pour tenir compte des changements apportés à l’article 12-26(1) du Règlement. Ce rapport remplit l’obligation du comité exactement comme la motion le spécifiait en apportant exactement la même modification à l’article 35(5) du code. Étant donné que la motion a été déposée par le représentant du gouvernement, je dirais qu’il est le mieux placé pour répondre à toute autre question concernant la justification ou la raison d’être de ce changement. Merci.

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

La bibliothécaire du Parlement

Adoption du troisième rapport du Comité mixte de la Bibliothèque du Parlement

Le Sénat passe à l’étude du troisième rapport du Comité mixte permanent de la Bibliothèque du Parlement, intitulé Nomination de Christine Ivory à titre de bibliothécaire parlementaire, déposé au Sénat le 12 juin 2024.

L’honorable Mohamed-Iqbal Ravalia propose que le rapport soit adopté.

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

Projet de loi sur l’assurance médicaments

Deuxième lecture—Suite du débat

Consentement ayant été accordé de revenir aux affaires du gouvernement, projets de loi, deuxième lecture, article no 2 :

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Pate, appuyée par l’honorable sénatrice McBean, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-64, Loi concernant l’assurance médicaments.

L’honorable Wanda Thomas Bernard : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi C-64, Loi concernant l’assurance médicaments.

L’assurance-médicaments est l’élément manquant des soins de santé dans notre pays. Lorsque l’assurance-maladie financée par l’État a été mise en place entre 1957 et 1966, elle était considérée comme la première étape. Près de 70 ans plus tard, nous attendons toujours la prochaine étape.

Ce que j’espère ajouter au débat d’aujourd’hui, c’est une perspective d’équité raciale. J’aimerais donner un aperçu de l’importance de voter en faveur de ce projet de loi comme un moyen d’apporter plus d’équité à notre système de santé.

Dans le domaine du travail social, quand je travaillais de près avec des familles de toute la Nouvelle-Écosse, j’ai toujours eu beaucoup de peine à voir des gens obligés de choisir entre payer leurs médicaments et payer les premières nécessités, comme la nourriture et le logement. Les situations les plus difficiles sont celles des familles dont les enfants, par exemple, souffrent de maladies chroniques, et qui ont du mal à gérer la situation. Avec l’augmentation rapide du coût de la vie, ces décisions difficiles sont encore plus difficiles à prendre aujourd’hui.

Notre collègue la sénatrice Simons a parlé de l’importance d’offrir des contraceptifs aux femmes et aux personnes de diverses identités de genre afin d’assurer l’équité entre les genres, alors je ne répéterai pas cette information. Une autre perspective sexospécifique à prendre en considération et dont j’ai été témoin dans ma pratique du travail social est l’expérience des femmes qui quittent des situations de violence familiale. Souvent, ces femmes sortaient de ces situations et trouvaient un emploi qui leur permettait d’être indépendantes et, parfois, de joindre les deux bouts. Cependant, dès qu’elles ou leurs enfants faisaient face à une urgence médicale, elles étaient obligées de choisir entre conserver leur emploi sans avantages sociaux ou demander l’aide au revenu, qui leur offrait une couverture pour les médicaments sur ordonnance dont elles avaient besoin.

Dans ma famille, alors que nous naviguons dans le système de santé de la Nouvelle-Écosse pour nous occuper des problèmes de santé de mon mari, j’ai remarqué qu’à chaque fois qu’on lui suggère un nouveau médicament, la première question qu’on lui pose est toujours : « Avez-vous un régime d’assurance-médicaments? » J’ai vite compris qu’il s’agissait d’un code pour lui demander : « Quel médicament pouvez-vous vous permettre? » Je pense aux gens qui ne reçoivent peut-être pas le médicament le plus adapté à leur maladie, mais des traitements de qualité inférieure, ce qui a peut‑être d’autres conséquences sur leur santé et leur bien-être en général.

Pour la plupart d’entre nous, dans cette enceinte, recevoir un diagnostic n’entraînera pas de choix très difficiles, car nous ne nous interrogerons pas sur notre capacité à payer le coût associé au plan de traitement qui nous permettra de retrouver ou de gérer notre santé. Honorables collègues, je suis sûr que vous conviendrez que tous les Canadiens méritent ce privilège.

En me préparant à parler de ce projet de loi, j’ai décidé de consulter la Health Association of African Canadians, une association en Nouvelle-Écosse, au sujet de ce projet de loi afin qu’elle puisse donner son avis sur la nature essentielle de cette mesure législative pour de nombreux membres de la communauté noire. La réponse souligne qu’une approche équitable des soins de santé pour les Canadiens noirs est essentielle :

Le mandat de la Health Association of African Canadians est de favoriser une meilleure santé au sein de toute la communauté afro-canadienne. Cela inclut l’accès à des médicaments sur ordonnance et à des produits connexes abordables. Nous espérons qu’un régime d’assurance-médicaments universel à payeur unique permettra aux Afro‑Canadiens, qui sont touchés de façon disproportionnée par les maladies chroniques comme le diabète, d’avoir accès aux médicaments et aux produits connexes dont ils ont besoin, quel que soit leur revenu. La Health Association of African Canadians espère que l’élimination des obstacles financiers pour obtenir des médicaments sur ordonnance et des produits connexes, comme le décrit le projet de loi, nous fera progresser vers les soins de santé équitables que nous souhaitons.

(1520)

Commencer par l’élargissement de la couverture pour les contraceptifs et les médicaments contre le diabète est très intéressant pour ceux d’entre nous qui militent pour l’accès équitable aux soins de santé pour les groupes marginalisés, y compris les femmes, les Canadiens noirs, les Autochtones et les personnes handicapées. En fait, dire que c’est intéressant est un euphémisme, car cette mesure changera la vie de nombreux Canadiens marginalisés. J’ai déjà parlé de la nécessité de mettre en place un régime national d’assurance-médicaments au Canada il y a environ 10 ans, lors d’une conférence de l’Association canadienne des centres de santé communautaire intitulée « La deuxième étape du régime d’assurance-maladie ». De nombreux Canadiens réclament une telle mesure depuis des décennies. N’est-il pas temps, honorables collègues, de donner suite à cet engagement?

Il peut être difficile de trouver des chiffres sur l’équité raciale en matière de santé parce qu’on n’a pas recueilli ce genre de données par le passé au Canada. Cependant, selon l’Agence de la santé publique du Canada, la prévalence du diabète chez les adultes de race noire est 2,1 fois plus élevée que chez les adultes de race blanche au Canada. C’est pourquoi je recommande vivement que l’étude de ce projet de loi en comité tienne compte de l’équité raciale et que l’on consulte des témoins comme la Health Association of African Canadians. Nous devons déterminer qui sont les laissés-pour-compte en matière d’assurance-médicaments et si ce projet de loi peut combler ces lacunes.

Honorables collègues, j’espère que cette perspective ancrée dans la théorie critique de la race vous incitera à réfléchir à ce qui suit : les soins de santé que nous tenons pour acquis au Canada — ces soins accessibles et universels dont nous sommes tous censés bénéficier — ne sont pas vraiment universels si certaines personnes sont encore confrontées à des choix impossibles qui touchent leur famille. Comme l’a déclaré la sénatrice Moodie pendant son discours au sujet de ce projet de loi, l’accès aux médicaments devrait être considéré comme un droit fondamental. Je voterai en faveur du projet de loi C-64, dans le but de rendre le système de santé plus équitable. Je vous encourage à en faire autant.

Merci. Asante.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

La Loi sur la citoyenneté
La Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Débat

L’honorable Mobina S. B. Jaffer propose que le projet de loi S-235, Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté et la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, tel que modifié, soit lu pour la troisième fois.

 — Honorables sénateurs, je prends la parole en tant que marraine du projet de loi S-235, qui propose de modifier la Loi sur la citoyenneté ainsi que la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés afin d’octroyer la citoyenneté aux enfants qui ne sont plus à la charge du gouvernement ou de familles d’accueil en raison de leur âge.

Avant de poursuivre, permettez-moi de résumer l’objet du projet de loi S-235.

Essentiellement, le projet de loi S-235 vise à ouvrir une nouvelle voie d’accès à la citoyenneté pour les enfants qui, en raison de leur âge, cessent d’être pris en charge par un organisme gouvernemental ou un système de familles d’accueil. Le projet de loi repose sur trois piliers : la Convention relative aux droits de l’enfant des Nations unies, la Charte canadienne des droits et libertés, et la responsabilité de l’État envers les enfants dont il a la charge.

À l’heure actuelle, toutefois, lorsqu’un enfant est pris en charge par un organisme gouvernemental ou un système de familles d’accueil, il est rare qu’on lui accorde la citoyenneté canadienne, et ce, même s’il a grandi en sol canadien au sein de foyers canadiens, qu’il a fréquenté des écoles canadiennes et qu’il a grandi dans la culture canadienne.

Or, étant donné que le gouvernement n’obtient pas la citoyenneté canadienne pour les enfants à sa charge, comme il en a pourtant le devoir étant donné que l’État est leur tuteur, ces enfants risquent d’être déportés vers des pays qu’ils ne connaissent pas s’ils ont des démêlés avec la justice.

Honorables sénateurs, ce problème n’est pas nouveau. La question de la citoyenneté de ces enfants a déjà été soulevée au Sénat.

En 2017, le sénateur Oh a présenté un amendement au projet de loi C-6, Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté. Grâce à son travail, le Sénat a réussi à amender le projet de loi de manière à préciser que le gouvernement ou les organismes de placement familial peuvent faire une demande de citoyenneté pour un enfant. Je cite ici le sénateur Oh :

Chers collègues, restreindre l’accès à la citoyenneté canadienne pour les enfants et les jeunes qui satisfont autrement à toutes les exigences revient à punir les groupes les plus marginalisés du pays pour des circonstances indépendantes de leur volonté. Les mineurs hautement marginalisés risquent d’être expulsés à l’âge adulte.

Il y a quelques années, le projet de loi C-6 et l’amendement du sénateur Oh ont répondu aux besoins des enfants placés sous la responsabilité des agences gouvernementales et des familles d’accueil. Maintenant, le projet de loi S-235 complète la boucle en veillant à ce que les enfants qui ont cessé d’être pris en charge par un organisme gouvernemental ou un système de familles d’accueil en raison de leur âge aient aussi la possibilité de demander la citoyenneté canadienne.

Pour résumer, en 2017, l’amendement du sénateur Oh a créé une voie pour que les mineurs pris en charge par les agences gouvernementales ou les familles d’accueil puissent obtenir la citoyenneté. Et maintenant, le projet de loi S-235 permettra à ceux qui sont devenus adultes et ne sont plus sous la responsabilité des agences gouvernementales ou des foyers d’accueil de demander la citoyenneté.

Le projet de loi S-235 a été présenté pour la première fois en 2021 et il a été renvoyé au comité le 23 novembre 2023. Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie s’est réuni cinq fois pour en discuter, et il a travaillé en étroite collaboration avec les représentants du gouvernement tout au long du processus.

Honorables sénateurs, je profite de l’occasion pour remercier la sénatrice Omidvar et le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie pour leur dévouement et leur travail assidu à l’égard de ce projet de loi.

Les améliorations apportées au projet de loi C-6 constituaient à l’époque une avancée importante, mais elles n’étaient malheureusement pas suffisantes. C’est pourquoi nous sommes ici aujourd’hui.

L’histoire de M. Abdoul Abdi illustre parfaitement comment il arrive encore que la loi laisse de côté certains des enfants les plus vulnérables qui étaient placés en famille d’accueil.

J’ai déjà parlé de l’histoire de M. Abdi, mais il m’apparaît important d’en parler encore parce qu’elle met en lumière comment l’État traite actuellement les enfants qui ont été sous sa responsabilité, souvent pendant des années, mais qui n’ont pas la citoyenneté canadienne.

(1530)

En 2000, M. Abdi, ses tantes et sa sœur ont quitté Djibouti pour venir au Canada à titre de réfugiés parrainés. Ils ont rapidement été envoyés à Halifax, où ils auraient accès à des services supplémentaires. En 2001, à l’âge de huit ans, M. Abdi a été pris en charge par les services d’aide à l’enfance. Pendant qu’il était sous leur responsabilité, il a été placé dans 31 foyers d’accueil différents. Je le répète, honorables sénateurs : il a été placé dans 31 foyers d’accueil différents. Il a subi de graves sévices physiques, sexuels et psychologiques. Le niveau scolaire le plus élevé qu’il a atteint est celui de la sixième année. À 13 ans, il avait un casier judiciaire de jeune contrevenant.

La tante de M. Abdi a tenté de demander la citoyenneté canadienne pour lui et sa sœur, Fatouma, mais les services d’aide à l’enfance sont intervenus; ils ont fait valoir que, comme les enfants étaient des pupilles du gouvernement, seul le gouvernement pouvait présenter une demande de citoyenneté pour eux.

Malgré les efforts déployés par cette tante pour que les tribunaux de la Nouvelle-Écosse lui accordent la garde des enfants, la voie vers la citoyenneté est restée bloquée. Arrivé à l’âge adulte, M. Abdi a été confronté à une perspective décourageante, celle d’être expulsé en Somalie, un pays qui lui était tout à fait inconnu puisque, malgré sa citoyenneté somalienne, il était né à Djibouti. Au cours de batailles juridiques précédentes, des décisions fondées sur le casier judiciaire protégé d’un jeune contrevenant avaient été renversées mais, cette fois-ci, M. Abdi a contesté la décision de la déléguée du ministre en invoquant des violations des droits garantis par la Charte. Au final, la Cour fédérale a conclu que la déléguée du ministre avait omis de prendre en considération les valeurs consacrées par la Charte dans sa décision.

Les tribunaux ont conclu à l’existence d’une discrimination à l’encontre de M. Abdi. En effet, le tribunal a expliqué que les antécédents de M. Abdi en tant que pupille de l’État, les efforts de sa tante pour demander sa citoyenneté, la situation de sa famille et son statut antérieur de réfugié des Nations unies devaient être pris en compte. Le jugement ajoute que cela est particulièrement vrai au regard de l’article 15 de la Charte et de la non-discrimination.

Cette question est maintenant entre les mains du gouvernement. Les tribunaux ont déclaré qu’ils ne pouvaient pas aller plus loin. Ainsi, un enfant ayant passé plus de dix ans sous la tutelle de l’État s’est vu menacé d’expulsion vers la Somalie, un pays dont il ne connaissait ni la langue, ni la culture, ni les coutumes, et où il n’avait pas de famille non plus. Son expulsion signifiait qu’il serait séparé de la seule famille qui lui restait : sa sœur et sa tante.

Honorables sénateurs, comment pouvons-nous accepter que le pays dans lequel nous vivons ne prenne pas soin des enfants qui sont sous sa tutelle? Comment pouvons-nous maintenir en place un système qui expulse des enfants qui, à part leur nom, ont tout de canadien?

M. Abdi a été élevé dans les écoles du pays avec nos enfants et avec nos parents, alors qu’il était sous la responsabilité du Canada. Je sais que vous serez d’accord pour dire que c’est inacceptable. Comment cela pourrait-il être acceptable dans un pays qui se targue de respecter le droit international, sa Constitution et ses obligations envers les mineurs dont il a la charge? Les parlementaires doivent être en mesure de faire en sorte que ces enfants obtiennent la citoyenneté canadienne.

Je sais que les amendements adoptés par le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie ont suscité des inquiétudes. Certains membres du comité ont fait remarquer que le projet de loi, tel qu’il a été amendé, est de nature très différente que le projet de loi initial ou qu’il en dépasse la portée. Autrement dit, le projet de loi que je vous présente maintenant ne serait pas le même que celui que je vous ai présenté à l’étape de la deuxième lecture.

En effet, on a allégué que parce que chaque paragraphe du projet de loi a été amendé et parce que le projet de loi comprend maintenant des accords informels entre le gouvernement et des parties privées qui s’occupent de ses pupilles, cette mesure législative est désormais d’une nature fondamentalement différente.

Honorables sénateurs, je ne nierai pas que ces changements ont effectivement changé la nature du projet de loi. Toutefois, cela ne signifie pas que le projet de loi ne vise plus le même but. Au contraire, les experts présents au comité ont révélé qu’il est plus approprié d’adopter un processus d’attribution de la citoyenneté plutôt qu’un processus de droit à la citoyenneté, comme le proposait initialement le projet de loi. Il s’agissait d’une suggestion d’un fonctionnaire. En fait, si ce projet de loi a été amendé, c’est pour le rapprocher de son objectif initial, qui est de créer une voie d’accès pour les enfants non citoyens qui sont maintenant adultes et qui ont passé beaucoup de temps sous la tutelle de l’État.

Honorables collègues, en fait, ce projet de loi est maintenant plus proche que jamais de sa nature. En outre, dans cette version du projet de loi, les personnes qui souhaitent obtenir la citoyenneté canadienne peuvent présenter une demande. Celles qui ne le souhaitent pas n’en présentent tout simplement pas. La question de la rétroactivité et du caractère volontaire n’est désormais plus pertinente. Les personnes qui veulent obtenir la citoyenneté canadienne et qui remplissent les critères peuvent tout simplement la demander.

Comme Andrew Brouwer, avocat principal au Bureau du droit des réfugiés d’Aide juridique Ontario, l’a dit au comité :

[...] Plutôt que de devenir citoyens immédiatement après la sanction royale, les personnes qui entrent dans la même catégorie pourraient présenter une demande de citoyenneté. Je pense qu’il s’agit d’une solution relativement simple [...] qui permettrait de dissiper un grand nombre des préoccupations soulevées par le ministère, notamment en ce qui concerne le caractère volontaire et le consentement. Si nous transformons cela en processus de demande par attribution, on exprime sa volonté ou son consentement en faisant la demande [...]

Il a ajouté :

[...] La façon dont je vois cette proposition et le projet de loi, c’est qu’ils vont de pair avec les changements apportés précédemment qui permettraient aux autorités de la protection de l’enfance de présenter des demandes de citoyenneté pendant que les enfants sont pris en charge. À mon avis, le projet de loi s’applique à ceux pour qui cette demande n’a pas été faite et qui ont atteint l’âge de sortir du système; ils sont âgés de 18 ans ou adultes, et c’est à ce moment-là qu’ils pourraient présenter une demande.

Kate Webster, vice-présidente de l’Association canadienne des avocats et avocates en droit des réfugiés, a abondé dans le même sens, à l’instar d’autres témoins ayant comparu devant le comité.

Honorables sénateurs, tous les amendements adoptés au comité étaient conformes à la même mesure visant à faire passer le projet de loi S-235 d’une approche fondée sur le droit à la citoyenneté à une approche fondée sur l’attribution de la citoyenneté. Comme vous le remarquerez, la plupart des changements concernent l’utilisation de lettres majuscules et l’adaptation du projet de loi à l’article 5 de la Loi sur la citoyenneté.

D’autres modifications sont un peu plus substantielles. Premièrement, les accords informels conclus entre un État et une entité privée sont inclus dans le projet de loi. En d’autres termes, la condition selon laquelle l’enfant ne réside pas chez un parent, selon les ententes conclues avec un organisme chargé par une province, a été supprimée.

Deuxièmement, un enfant qui ne retourne pas sous la garde de ses parents pendant 365 jours après avoir cessé d’être pris en charge par l’État peut maintenant se voir accorder la citoyenneté.

(1540)

Troisièmement, l’exigence liée aux 365 jours passés aux soins de l’État est maintenant cumulative; il n’est pas nécessaire qu’elle soit continue.

Quatrièmement, maintenant, l’enfant ne peut avoir vécu à l’extérieur du Canada pendant plus de 10 ans après avoir atteint l’âge de 18 ans.

Enfin, le projet de loi maintient la suspension de la mesure de renvoi lorsqu’un étranger présente une demande de citoyenneté en vertu de l’article 5.3 de la Loi sur la citoyenneté, et ce jusqu’à ce qu’une décision ait été rendue, et non jusqu’à ce que le demandeur obtienne sa citoyenneté. Par conséquent, tous les amendements sont conformes à l’intention d’origine du projet de loi et correspondent au passage d’une approche fondée sur le droit à la citoyenneté à un processus fondé sur l’attribution de la citoyenneté.

Ce processus aurait grandement aidé Fliss Cramman, dont l’histoire a été racontée en soutien à l’amendement du sénateur Oh concernant le projet de loi C-6. Mme Cramman était arrivée au Canada à l’âge de 8 ans, mais en raison de problèmes de violence et d’abus, elle avait été confiée aux soins d’un organisme gouvernemental à l’âge de 11 ans.

Mme Cramman était originaire du Royaume-Uni et, bien qu’elle ait grandi au Canada, le gouvernement — son tuteur légal — n’a jamais demandé la citoyenneté en son nom. En 2014, Mme Cramman, cheffe cuisinière professionnelle et mère de quatre enfants, a été condamnée à une peine de prison pour des infractions liées à la drogue, sans savoir qu’elle n’avait pas la citoyenneté canadienne. Menacée d’expulsion vers le Royaume-Uni — un pays avec lequel elle n’a aucun lien et qui lui est étranger puisqu’elle avait grandi et vécu au Canada pendant 25 ans —, Mme Cramman représente les innombrables personnes qui ne découvrent l’absence de citoyenneté que lorsqu’il est trop tard. Heureusement, le ministre de l’Immigration est intervenu pour empêcher son expulsion.

Certes, l’histoire de Mme Cramman a joué un rôle essentiel dans l’amendement du sénateur Oh au projet de loi C-6, mais les difficultés qu’elle a rencontrées nous rappellent qu’il existe encore des lacunes qui doivent être comblées dans le système. Comme M. Abdi, Mme Cramman a passé la majeure partie de sa vie au Canada, où elle a maintenant des enfants, une famille et un emploi. Mais sans argent et sans soutien, elle craignait de se retrouver seule et sans abri au Royaume-Uni.

La Société Elizabeth Fry a affirmé à juste titre que Fliss Cramman était punie par un système qui était censé s’occuper d’elle — un système qui l’a laissée tomber. C’est ce vide que le projet de loi S-235 viendrait combler.

Au bout du compte, contrairement à ce qui s’est passé dans le cas de M. Abdi, John McCallum, le ministre fédéral de l’époque, est intervenu afin d’empêcher l’expulsion de Mme Cramman pour des raisons humanitaires. On lui a aussi accordé la citoyenneté canadienne. Vous vous demanderez peut-être pourquoi M. Abdi n’a pas fait appel à la compassion du ministre. Il n’en demeure pas moins que la situation de Mme Cramman n’aurait pas dû devenir aussi problématique. Tout comme M. Abdi et sa sœur, Mme Cramman est punie par un système qui devait la protéger — un système qui l’a laissée tomber. C’est le vide que le projet de loi S-235 permettrait de combler.

D’aucuns prétendent que les projets de loi d’intérêt privé ne devraient pas modifier la Loi sur la citoyenneté ou la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. C’est peut-être parce que nous ne sommes pas totalement conscients des conséquences de l’amendement. Je comprends ce sentiment, mais j’aimerais établir une analogie entre ce projet de loi et l’amendement du sénateur Oh au projet de loi C-6. À l’époque, comme je l’ai dit plus tôt, le sénateur Oh avait proposé un amendement important à la Loi sur la citoyenneté et à la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. Cet amendement fait maintenant partie de la loi. Depuis son entrée en vigueur, les provinces et les organismes à qui l’on confie les enfants prennent grand soin de veiller à ce que les enfants dont ils ont la charge et qui ne sont pas encore âgés de 18 ans obtiennent la citoyenneté.

À l’époque, la sénatrice Omidvar avait dit ceci au sujet des amendements :

Ces exemples illustrent de manière exceptionnelle l’exercice par la Chambre rouge de son pouvoir d’amélioration de la législation et de défense de la Charte, surtout au nom des minorités.

Il n’y a aucune raison de croire que le projet de loi S-235 devrait être traité différemment. En effet, si le contenu du projet de loi S-235 avait été amendé en même temps que le projet de loi C-6, cette question n’aurait pas été soulevée. Rien dans notre Constitution n’interdit ce genre d’amendement, et ce n’est pas la première fois que la Chambre se prononce en faveur de la modification ou de l’amélioration de certaines de nos lois les plus importantes.

Honorables sénateurs, l’objectif du Sénat est d’améliorer les lois canadiennes et de veiller à la protection des droits des minorités et des populations vulnérables. Je ne comprends pas en quoi le projet de loi S-235 va à l’encontre de cet objectif. Au contraire, il me semble que ce projet de loi remplit précisément ce rôle.

Je crois que le projet de loi S-235 sert les droits des personnes marginalisées qui sont arrivées ici en tant qu’enfants de réfugiés ou d’immigrants, mais qui sont canadiennes à tous les égards, sauf en ce qui concerne la citoyenneté.

Sur ce point, le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie a entendu le témoignage de la sœur de M. Abdi, Fatouma, qui nous a expliqué sa réalité. Fatouma Abdi a déclaré que, si le projet de loi S-235 était adopté, son frère et elle présenteraient immédiatement une demande de citoyenneté. Elle a ajouté que détenir la citoyenneté canadienne changerait complètement sa vie.

Honorables sénateurs, Mme Abdi, qui a passé une décennie sous la tutelle de l’État quand elle était enfant, ne peut pas avoir accès à des soins de santé parce qu’elle n’a pas de carte d’assurance‑maladie. En outre, elle n’a pas les moyens financiers pour consulter un médecin, ce qui la prive de services essentiels et, possiblement, de son droit fondamental à la vie. Mme Abdi ne peut pas occuper un emploi ni aller à l’école. Si elle tombe malade, elle ne peut pas être soignée. C’est d’ailleurs une source d’anxiété constante parce qu’elle a peur que ses enfants se retrouvent sans parents, comme ce qu’elle a vécu dans son enfance. Elle ne devrait pas avoir à s’inquiéter de ce genre de choses. Mme Abdi est une Canadienne à tous les égards, sauf qu’elle n’a pas la citoyenneté. En tant que sénateurs, nous avons le devoir d’examiner attentivement cette question.

Mme Abdi a le droit d’avoir accès aux mêmes services que tout le monde dans cette enceinte. D’ailleurs, ce n’est que lorsque l’Agence des services frontaliers du Canada a tenté d’expulser son frère qu’elle a appris qu’elle n’avait pas la citoyenneté canadienne. Elle ne pouvait pas croire qu’après des années de traumatisme et de souffrance, après avoir vécu au Canada comme tous les autres Canadiens et après avoir été pris en charge par l’État pendant plus de 10 ans, ils n’étaient toujours pas des citoyens canadiens à part entière. Elle a affirmé que les services de protection de l’enfance ont causé des préjudices durables aux membres de sa famille en les séparant. Elle a été séparée de son plus jeune frère, qui avait 7 ans à l’époque, et elle a souffert de situations traumatisantes, de mauvais traitements et de négligence. Elle a dû porter seule cette charge émotionnelle et mentale.

Honorables collègues, les enfants pris en charge ne devraient pas avoir à se soucier d’obtenir la citoyenneté. Le premier ministre est aussi de cet avis. Il y a six ans, Mme Abdi a demandé au premier ministre ce qu’il aurait fait si son fils avait été à la place de son frère. Il lui a répondu ceci :

(1550)

[...] lorsque nous avons vu comment le système de foyers d’accueil a laissé tomber votre frère et les effets qu’ont sur lui les difficultés auxquelles il fait face, nous avons compris les vrais défis que doit relever le système.

Cela nous a ouvert les yeux sur un phénomène dont beaucoup d’entre nous connaissaient l’existence dans de nombreuses communautés, mais qu’il faut régler.

Jusqu’à présent, le gouvernement ne s’est pas penché sur la question. C’est la raison d’être du projet de loi S-235. La situation n’a pas été réglée pour Fatouma et Abdoul Abdi ainsi que pour d’autres personnes qui n’ont pas la citoyenneté. Dans le cas de Mme Abdi, c’est parce qu’elle n’a pas les bons documents, et non parce qu’elle a commis un crime.

Honorables sénateurs, imaginez ceci : Mme Fatouma Abdi a changé 31 fois de domicile. Elle a habité dans 31 foyers d’accueil différents. Ce faisant, ses parents ou les personnes qui s’occupaient d’elle ont perdu tous ses documents. Aujourd’hui, elle se retrouve sans le moindre document pour demander la citoyenneté.

Comme elle et son frère, d’autres enfants dont vous n’avez pas entendu l’histoire aujourd’hui n’ont pas la possibilité de s’exprimer et subissent le même sort.

En conclusion, honorables sénateurs, je vous prie de noter que le ministre de l’Immigration appuie le projet de loi et qu’il croit que ce changement aurait dû être apporté en même temps que le projet de loi C-6 pour que nos lois respectent nos obligations internationales, constitutionnelles et nationales. Le ministre souhaiterait également que le projet de loi soit renvoyé à l’autre endroit bientôt.

Honorables sénateurs, les histoires que je vous ai racontées aujourd’hui ne sont que quelques exemples parmi tant d’autres. Nos enfants portent en silence le poids d’un système qui, au lieu de les protéger comme il devait le faire, les menace d’expulsion.

Lorsqu’ils ont été accueillis ici, les enfants mis en tutelle qui n’ont pas la citoyenneté s’attendaient à ce que le Canada devienne leur pays. Ils ont entendu parler de paix, de sécurité et de liberté au Canada. Même si le monde les a déjà privés de tant de choses, ils caressent toujours l’espoir de connaître un avenir meilleur.

Honorables sénateurs, il nous incombe de donner à ces enfants une deuxième chance et de veiller à ce que leur espoir ne soit pas vain. Ils ont grandi au Canada, s’y sont fait des amis et y ont obtenu une éducation. Ils sont chez eux ici. Ces enfants ont leur place au Canada. Je vous exhorte à appuyer le projet de loi et à combler le vide actuel, ce qui pourrait avoir une grande influence sur la vie de nombreux enfants comme Fatouma Abdi.

Honorables sénateurs, je tiens à vous expliquer ce que signifie l’appartenance. Moi aussi, je suis arrivée au Canada comme réfugiée. Je n’avais pas la citoyenneté canadienne, ce qui signifiait que je ne pouvais pas pratiquer le droit. À l’époque, les règles du barreau stipulaient qu’on ne pouvait pas pratiquer le droit si on n’avait pas la citoyenneté canadienne. Ces règles ont maintenant changé.

Je peux vous dire que le jour de la cérémonie de citoyenneté a été le plus heureux de notre vie. Nous avions la tête haute. Nous nous souvenons encore de la cérémonie. Après la cérémonie, mon jeune fils, qui avait environ 7 ans, tenait un drapeau canadien. En fait, il en tenait plusieurs. Il arrêtait tous ceux que nous rencontrions et leur disait : « Je suis Canadien. Je suis Canadien. »

Honorables sénateurs, voilà ce que je demande pour les enfants qui n’ont pas de parents. Mon fils a pu obtenir la citoyenneté canadienne parce qu’il était sous notre responsabilité et que nous avons veillé à ce qu’il l’obtienne. Il y a de nombreux enfants qui ont grandi ici, qui ont fréquenté nos écoles et qui sont devenus Canadiens, mais il leur manque un bout de papier. Honorables sénateurs, je vous demande de vous pencher sur leur sort et d’appuyer ce projet de loi.

Je vous remercie de m’avoir écoutée aussi attentivement.

Des voix : Bravo!

[Français]

Projet de loi sur la lutte contre l’ingérence étrangère

Première lecture

Son Honneur la Présidente intérimaire annonce qu’elle a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-70, Loi concernant la lutte contre l’ingérence étrangère, accompagné d’un message.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Gold, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après-demain.)

[Traduction]

L’ajournement

Adoption de la motion

Consentement ayant été accordé de revenir aux affaires du gouvernement, motions, article no 183 :

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 12 juin 2024, propose :

Que, lorsque le Sénat s’ajournera après l’adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu’au lundi 17 juin 2024, à 18 heures;

Que l’application de l’article 3-3(1) du Règlement soit suspendue ce jour-là;

Que, nonobstant l’article 9-10(2) du Règlement, si un vote est différé ou sera différé à ce jour-là, il ait lieu à la fin de la période des questions.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

La Loi sur la citoyenneté
La Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Ajournement du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Jaffer, appuyée par l’honorable sénatrice Pate, tendant à la troisième lecture du projet de loi S-235, Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté et la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, tel que modifié.

L’honorable Paula Simons : Sénatrice Jaffer, accepteriez-vous de répondre à une question?

L’honorable Mobina S. B. Jaffer : Oui.

La sénatrice Simons : J’ai entendu certains s’inquiéter de la possibilité que le projet de loi fasse perdre par accident la citoyenneté d’un autre pays à certains enfants, parce que ce ne sont pas tous les pays qui acceptent que leurs ressortissants aient la double citoyenneté. J’aimerais savoir si des amendements ont été apportés par le comité afin de répondre à ces inquiétudes.

La sénatrice Jaffer : Merci de cette très importante question, sénatrice Simons.

Oui, c’est pourquoi, quand j’ai pris la parole à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi, je disais qu’il fallait que la citoyenneté soit accordée automatiquement. Or, si la citoyenneté est accordée automatiquement, une personne qui désire conserver la citoyenneté d’un autre pays risquerait de la perdre. Maintenant, avec les amendements proposés par les fonctionnaires, il est question d’une attribution, ce qui signifie que la personne doit demander la citoyenneté, alors la situation que vous évoquez ne pourra pas arriver. Les gens auront le choix — ils devront faire une demande —; la citoyenneté ne sera pas accordée automatiquement.

L’honorable Kim Pate : Honorables sénateurs, j’ai également le plaisir de prendre la parole aujourd’hui à l’appui du projet de loi S-235.

Comme vous l’avez entendu, ce projet de loi vise à combler certaines lacunes et injustices flagrantes dans nos systèmes de citoyenneté et de droit pénal. Il établit une voie d’accès à la citoyenneté pour les personnes qui sont arrivées au Canada lorsqu’elles étaient enfants et qui ont ensuite été retirées de leur famille par les autorités de protection de l’enfance, lesquelles sont devenues d’office leurs tuteurs à la place de leurs parents. Dans le cadre de leur rôle parental, ils n’ont pas assumé leur responsabilité d’obtenir la citoyenneté de leurs « enfants ». Si un individu — une personne, et non le gouvernement — était leur parent, nous identifierions clairement cela comme de l’irresponsabilité, voire de la négligence parentale.

Trop d’enfants de nouveaux arrivants subissent l’héritage du colonialisme au Canada, qui se traduit par l’institutionnalisation massive d’enfants racialisés dans le réseau de la protection de la jeunesse ou dans le système carcéral. Les enfants pauvres, autochtones et noirs font partie de ceux qui sont, souvent de force, pris en charge de manière disproportionnée, ce qui intensifie les effets intergénérationnels de la pauvreté et de l’inégalité.

Lorsque les enfants sont pris en charge par l’État, celui-ci devient légalement leur parent. Le projet de loi S-235 vise à s’appliquer à toutes les formes de cette « parentalité » étatique, y compris les placements en établissement, les placements en famille d’accueil, les placements chez un membre de la famille et les conventions alimentaires. Dans tous les cas, en tant que parent, l’État a la responsabilité légale d’agir dans l’intérêt de l’enfant. Cette responsabilité parentale comprend l’obtention du statut de citoyen ainsi que des protections et des droits qui en découlent. Trop souvent, les services de protection de l’enfance manquent à leur devoir à ce chapitre.

(1600)

Les circonstances au sein du système de protection de l’enfance contribuent à la probabilité que les enfants soient marginalisés, traités injustement et judiciarisés. Depuis longtemps, il arrive que les places dans les foyers de groupe et les familles d’accueil servent à la fois à l’hébergement pour les services de protection de l’enfance et pour le système judiciaire pour les jeunes. Cette situation crée une pente glissante entre le placement dans le système de protection de l’enfance et la judiciarisation pour des jeunes qui, autrement, seraient très peu susceptibles d’être judiciarisés par leur propre famille pour des comportements irritants et parfois risqués, mais qui sont étroitement liés à l’âge et aux circonstances.

Par exemple, au Manitoba, pas moins d’un enfant sur trois ayant passé du temps dans le système de protection de l’enfance a été accusé d’au moins une infraction criminelle avant l’âge de 18 ans.

Comme vous l’a dit la sénatrice Jaffer, sans citoyenneté, les enfants qui ont d’abord été pris en charge par l’État, et qui sont ensuite judiciarisés risquent d’être expulsés vers des pays où ils n’ont ni liens ni soutien. Dans les cas où les frontières des États ont changé, certains se retrouvent même apatrides. La plupart ont grandi au Canada; ils pensent naturellement qu’ils sont Canadiens et ils ignorent qu’ils n’ont pas la citoyenneté.

Les personnes qui découvrent que l’État a manqué à ses devoirs parentaux s’en aperçoivent généralement trop tard — le plus souvent lorsqu’elles sont informées qu’elles seront expulsées en raison d’une condamnation au criminel et que cette condamnation les rend inadmissibles à présenter une demande de citoyenneté.

Soit dit en passant, de nombreux avocats criminalistes ignorent que la criminalité et certaines sanctions peuvent empêcher une personne de faire appel de son statut d’immigrant et imposer son expulsion.

Au cours de leur témoignage devant le Comité des affaires sociales, de nombreuses personnes, y compris — comme vous l’avez entendu — Andrew Brouwer d’Aide juridique Ontario, ont exhorté le gouvernement à adopter le projet de loi S-235 en guise d’engagement à l’égard de la lutte contre le racisme. Il a dit :

En grande partie, les infractions criminelles commises [par des enfants qui étaient autrefois sous la tutelle de l’État] étaient la conséquence naturelle et prévisible des circonstances de la personne, du fait qu’elle passe des services d’aide à l’enfance au système de justice pénale. Les jeunes sont judiciarisés pendant qu’ils sont pris en charge par l’État. Une fois le processus de judiciarisation entamé, il est loin d’être simple de s’extirper du système de justice pénale, surtout pour les personnes qui sont racisées, qui sont pauvres, qui ont possiblement des problèmes de toxicomanie ou de santé mentale et qui n’ont aucun soutien familial à l’extérieur de l’État. Ces personnes sans citoyenneté passent du système de justice pénale à la prochaine étape — la pire des indignités, soit l’expulsion du seul pays qu’elles connaissent. Le projet de loi tente de mettre fin à ce pipeline.

Le Black Legal Action Centre a souligné ceci :

[...] les politiques de protection de l’enfance du Canada sont oppressives [...] les pratiques discrétionnaires sont empreintes de préjugés et [...] les services adaptés à la culture ne réagissent pas. Au Canada, lorsqu’un enfant est pris en charge, la responsabilité parentale est transférée aux forces de l’ordre. Elles sont responsables de choses comme le règlement des différends, la discipline et le respect des règles du foyer. Souvent, c’est là que les enfants noirs ont affaire avec le système de justice pénale pour la première fois.

D’après les données disponibles, nous savons qu’il est difficile d’obtenir la citoyenneté canadienne à part entière si on vient d’un pays où les Noirs sont prédominants. Nous savons que les familles noires sont beaucoup plus surveillées et appréhendées par les services de protection de l’enfance. Nous savons que les Noirs reçoivent toujours des peines plus sévères dans le système de justice pénale. Et nous savons que l’expulsion des enfants que nous avons échoué à protéger n’est pas la solution. Les enfants ne devraient pas être pénalisés parce qu’ils n’ont pas de statut d’immigration. C’est une question sur laquelle ils n’ont que peu ou pas de contrôle.

Honorables sénateurs, le gouvernement ne devrait pas avoir le droit de tenir un double discours en disant que, même s’il assume la responsabilité parentale d’un enfant, il peut l’abandonner et l’expulser. Les enfants qui sont pris en charge par l’État ne devraient pas se voir refuser la citoyenneté canadienne parce que leur parent étatique les néglige et ne s’assure pas qu’ils ont la citoyenneté. Le projet de loi de la sénatrice Jaffer vise à corriger les injustices et les inégalités qui découlent de cette situation.

Le gouvernement fédéral a récemment pris des mesures qui, essentiellement, reconnaissent les obligations particulières qu’il a envers les enfants sous sa tutelle qui n’ont pas la citoyenneté. En juillet 2023, le gouvernement a mis en place une politique afin de permettre la délivrance d’un permis de séjour temporaire aux étrangers pris en charge par un organisme de protection de la jeunesse au Canada.

En janvier 2024, le gouvernement a autorisé une période temporaire de trois ans qui ouvre la voie à la délivrance du statut de résident permanent aux enfants anciennement pris en charge.

Dans les deux cas, les demandeurs ne sont pas tenus de payer les frais habituels et ils ne sont pas assujettis aux interdictions en vigueur pour présenter une demande s’ils ont déjà été visés par des accusations criminelles. Malheureusement, comme les témoins l’ont souligné devant le comité, ces mesures ne règlent pas le problème. Elles constituent plutôt une solution provisoire jusqu’à ce que le projet de loi S-235 soit adopté.

À titre d’exemple, le statut de résident permanent — même s’il représente une voie plus prometteuse qu’un simple permis de séjour temporaire — demeure révocable. Par conséquent, ce n’est pas une protection suffisante contre l’expulsion.

Le projet de loi S-235 vise à mettre fin à ces injustices de longue date. Il donnerait la possibilité aux personnes qui étaient auparavant pris en charge par un organisme de protection de la jeunesse de présenter directement une demande de citoyenneté. Ce projet de loi prévoit que, même si ces personnes font l’objet d’une ordonnance d’expulsion, elles ne seront pas renvoyées du pays pendant le traitement de leur demande de citoyenneté.

Dans la version présentée à l’étape de la première lecture, le projet de loi S-235 aurait permis aux enfants pris en charge par l’État d’obtenir automatiquement la citoyenneté en toute légitimité, sans avoir à en faire la demande. Comme vous l’avez entendu, au comité, les témoins du gouvernement ont soulevé des préoccupations hypothétiques au sujet de cette approche, et ce, sans fournir de preuves ou de données concrètes pour appuyer leurs hypothèses. La sénatrice Jaffer a quand même travaillé avec des experts en droit de l’immigration qui défendent les intérêts des personnes qui ont été prises en charge dans leur enfance afin d’élaborer des amendements judicieux pour répondre aux préoccupations sans fondement du gouvernement.

En ajoutant l’exigence de présenter une demande, ces amendements au projet de loi vont certainement créer des obstacles supplémentaires à l’obtention de la citoyenneté pour les enfants pris en charge, car il faudra les informer de la nécessité de cette demande et ils devront faire des démarches pour répondre aux exigences. Ces obstacles ont été ajoutés dans le projet de loi en raison des craintes soulevées par le gouvernement. Le gouvernement devra donc prendre toutes les mesures nécessaires pour atténuer les obstacles qui seront imposés par ces changements.

Par ailleurs, comme le Comité des affaires sociales l’a indiqué dans ses observations sur le projet de loi S-235, le gouvernement doit veiller à ce que le processus de demande prévu dans le projet de loi soit sans frais, conformément à ses politiques récentes sur les demandes de résidence temporaire et de résidence permanente présentées par les personnes qui ont été prises en charge dans leur enfance.

Le gouvernement doit également assurer une certaine souplesse en ce qui concerne la documentation requise, d’autant plus que, comme la sénatrice Jaffer l’a également indiqué, les services de protection de l’enfance omettent trop souvent de veiller à ce que les enfants conservent des documents personnels essentiels alors que les enfants sont transférés de foyer d’accueil en foyer d’accueil, jusqu’à ce qu’ils ne soient plus en âge d’être pris en charge.

Chers collègues, comprenez bien que le projet de loi S-235 ne vise pas à créer des privilèges spéciaux ou une voie rapide dans le système d’immigration. Il vise plutôt à combler un vide juridique qui a empêché des enfants élevés au Canada par l’État d’être reconnus comme les Canadiens qu’ils sont.

Comme l’a souligné la sénatrice Jaffer, le Sénat est au courant de cette injustice depuis longtemps. En 2017, alors que la sénatrice Omidvar dirigeait les travaux de modification de la Loi sur la citoyenneté par l’entremise du projet de loi C-6, le sénateur Oh a présenté un amendement qui visait à aider les personnes ayant fait partie du système de protection de l’enfance. Il avait alors évoqué la situation de Fliss Cramman, une femme dont j’avais suivi le dossier avant ma nomination au Sénat. Comme vous l’avez entendu, Mme Cramman est arrivée au Canada à l’âge de 8 ans, et elle a été prise en charge par l’État à l’âge de 11 ans afin de l’extraire d’un foyer où régnaient la violence et les sévices sexuels.

Elle a seulement découvert qu’elle n’avait pas la citoyenneté dans la trentaine, alors qu’elle purgeait une peine de prison et que les autorités pénitentiaires se sont renseignées sur son statut d’immigrante dans le cadre des préparatifs pour sa libération conditionnelle à des fins d’intégration dans la collectivité.

Malheureusement, comme certains d’entre vous s’en souviendront, les amendements apportés au projet de loi C-6 n’ont pas aidé Mme Cramman, ni de nombreux autres enfants placés, y compris des personnes comme Abdoul Abdi, Abdilahi Elmi et Mark Wollery Surgeon.

Les amendements du sénateur Oh offrent davantage d’options aux mineurs pour demander la citoyenneté, mais ils ne s’attaquent pas au principal obstacle systémique auquel se heurtent les anciens bénéficiaires du système de protection de l’enfance qui ne savent pas qu’ils n’ont pas la citoyenneté. Pourquoi? Parce qu’en réalité, ils ne savent pas qu’ils doivent faire une demande avant qu’il soit trop tard.

Le contenu de ce projet de loi a commencé par un amendement amical sur lequel j’ai travaillé avec le sénateur Oh pour faire en sorte que son amendement atteigne l’objectif qu’il s’était fixé. J’ai cru naïvement que le fait de collaborer en mettant de côté la partisanerie serait bien accueilli. Malheureusement, d’autres collègues n’étaient pas du même avis et certains ont menacé de s’opposer aux réformes du projet de loi C-6 en matière d’immigration si nous allions de l’avant. On m’a donc demandé de ne pas aller de l’avant et d’apporter les changements dans le cadre d’un projet de loi d’initiative parlementaire pour combler les lacunes du projet de loi et des amendements du sénateur Oh. Sept ans plus tard, mes amis, nous avons enfin le projet de loi de la sénatrice Jaffer. Entretemps, nous avons continué à ne pas obtenir justice pour les enfants que nous avons négligés pendant bien trop longtemps.

(1610)

Pour les personnes qui sont arrivées au Canada dans leur enfance, souvent en fuyant la guerre ou la persécution, et qui ne connaissent aucun autre pays ou foyer, l’expulsion est une punition inimaginable. Les personnes qui ont été retirées à leurs parents et à leurs gardiens lorsqu’elles étaient enfants et qui ont été placées dans des systèmes qui ne sont pas équipés pour répondre à leurs besoins, et encore moins pour assumer pleinement des responsabilités parentales, ne devraient pas subir par la suite la punition et l’indignité supplémentaires d’être abandonnées après avoir été jetées dans le système de justice pénale. Lorsque l’État qui était censé agir comme leur parent ne parvient pas à leur assurer la citoyenneté, il ne faudrait pas abandonner les enfants autrefois pris en charge en les envoyant dans des pays où ils n’ont aucun espoir — pas de famille, pas de relations et aucun moyen de subvenir à leurs besoins.

Le Canada doit assumer ses responsabilités et remédier à son rôle — notre rôle, honorables collègues — dans la marginalisation, la victimisation, la criminalisation et l’institutionnalisation de ceux que nous avons laissés tomber lorsqu’ils étaient enfants. Adoptons le projet de loi S-235 et commençons à réparer ces erreurs pour les générations futures.

Meegwetch. Je vous remercie.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

Projet de loi sur la stratégie nationale relative au racisme environnemental et à la justice environnementale

Troisième lecture

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice McCallum, appuyée par l’honorable sénateur Al Zaibak, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-226, Loi concernant l’élaboration d’une stratégie nationale visant à évaluer et prévenir le racisme environnemental ainsi qu’à s’y attaquer et à faire progresser la justice environnementale.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur la Présidente : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente : À mon avis, les oui l’emportent.

Et deux honorables sénateurs s’étant levés :

Son Honneur la Présidente intérimaire : Y a-t-il entente au sujet de la sonnerie?

Une voix : Quinze minutes.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Le consentement est‑il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Le vote aura lieu à 16 h 27. Convoquez les sénateurs.

(1620)

La motion, mise aux voix, est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté :

POUR
Les honorables sénateurs

Anderson LaBoucane-Benson
Arnot Loffreda
Aucoin MacAdam
Bernard McBean
Boyer McCallum
Burey McNair
Busson McPhedran
Cardozo Mégie
Clement Miville-Dechêne
Cordy Moncion
Cormier Moodie
Cotter Omidvar
Coyle Osler
Dagenais Oudar
Deacon (Nouvelle-Écosse) Pate
Dean Patterson
Downe Petitclerc
Duncan Prosper
Forest Quinn
Francis Robinson
Gerba Ross
Gold Simons
Greenwood Smith
Jaffer Sorensen
Kingston Verner—51
Klyne

CONTRE
Les honorables sénateurs

Ataullahjan Marshall
Batters Martin
Boehm Plett
Carignan Richards
Housakos Seidman—11
MacDonald

ABSTENTIONS
Les honorables sénateurs

Harder Saint-Germain
Ringuette Woo—4

(1630)

La Loi sur les mesures économiques spéciales

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Omidvar, appuyée par l’honorable sénatrice Petitclerc, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-278, Loi modifiant la Loi sur les mesures économiques spéciales (disposition des biens d’un État étranger).

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Avec le consentement du Sénat, je propose l’ajournement du débat à mon nom pour le reste du temps de parole dont je dispose.

Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

(Le débat est ajourné.)

L’étude sur l’état de la santé des sols

Adoption du treizième rapport du Comité de l’agriculture et des forêts et de la demande de réponse du gouvernement

Le Sénat passe à l’étude du treizième rapport du Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts, intitulé Terrain critique : Pourquoi le sol est essentiel à la santé économique, environnementale, humaine, et sociale du Canada, déposé auprès du greffier du Sénat le 6 juin 2024.

L’honorable Paula Simons propose :

Que le treizième rapport du Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts, intitulé Terrain Critique : Pourquoi le sol est essentiel à la sante économique, environnementale, humaine et sociale du Canada, qui a été déposé auprès de la greffière du Sénat le 6 juin 2024, soit adopté et que, conformément à l’article 12-23(1) du Règlement, le Sénat demande une réponse complète et détaillée du gouvernement, le ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire étant désigné ministre chargé de répondre à ce rapport, en consultation avec le ministre de l’Environnement et du Changement climatique et le ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles.

 — Honorables sénateurs, aujourd’hui, j’ai l’honneur et le plaisir de présenter aux sénateurs et à tous les Canadiens le rapport intitulé Terrain critique : Pourquoi le sol est essentiel à la santé économique, environnementale, humaine et sociale du Canada, résultat de l’étude sur la santé des sols au Canada à laquelle notre comité a consacré deux ans.

Je pourrais essayer de vous impressionner avec des chiffres. Je pourrais vous dire que nous avons entendu plus de 150 témoins et reçu plus de 60 mémoires. Je pourrais vous dire que nous avons entendu des agriculteurs, des éleveurs, des producteurs et des aménagistes forestiers, des agronomes, des économistes, des groupes de défense de l’environnement et toutes sortes de scientifiques du sol, y compris des experts en biologie des sols, en géologie des sols, en cartographie des sols, en analyse des données sur les sols, en pollution des sols et en remise en état des sols.

Nous avons beaucoup appris sur une multitude de sujets, de l’état du pergélisol du Canada aux derniers développements en matière d’édition du génome pour augmenter le rendement des cultures et réduire le besoin d’engrais et d’herbicides. Nous avons découvert les techniques agricoles autochtones traditionnelles et le rôle des technologies satellitaires et de l’intelligence artificielle dans l’agriculture de précision.

Nous avons beaucoup appris sur le compost et les vers de terre, la toxicité des métaux lourds, la menace que constituent les microplastiques, et le rôle vital que jouent les pâturages et l’agroforesterie dans la séquestration du carbone et l’atténuation des changements climatiques.

(1640)

Nous avons entendu des témoins experts et des représentants des gouvernements des 13 provinces et territoires ainsi que de l’Union européenne, du Royaume-Uni, des États-Unis, de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande.

Notre comité s’est rendu à l’Université de Guelph, à l’Université de la Saskatchewan, à l’Olds College of Agriculture and Technology et au Musée de l’agriculture et de l’alimentation du Canada ainsi que dans une demi-douzaine d’exploitations agricoles et de ranchs répartis dans trois provinces.

Les sénateurs Black et Cotter ont eu l’occasion de participer au Congrès mondial des sciences du sol de 2022 à Glasgow, et les sénateurs Black, Oh et moi-même avons eu le privilège d’assister à la onzième assemblée plénière du Partenariat mondial sur les sols organisée par l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture à Rome. À cette conférence de l’ONU, nous avons eu la chance exceptionnelle de rencontrer des agriculteurs, des militants et des experts du sol d’une série de pays allant de la Thaïlande à la France en passant par la Türkiye, le Ghana et la République dominicaine.

En bref? Nous avons creusé le sujet. Nous avons tracé de nouveaux sillons, et ce rapport historique est le fruit de toute cette passion et de toutes ces recherches. Nous l’avons publié le jour du 40e anniversaire de la publication du rapport Sparrow — intitulé « Nos sols dégradés » —, un rapport historique que le Sénat a publié en juin 1984.

Le nouveau rapport contient 25 recommandations. Tout d’abord, il demande que le gouvernement désigne le sol comme un bien national stratégique, nomme un défenseur national des sols et collabore avec les provinces, les territoires, les gouvernements autochtones et les secteurs agricole et forestier pour créer un institut national et une base de données sur les sols. Cependant, le rapport contient aussi des recommandations plus granulaires, plus concrètes, qui vont de l’établissement de marchés du carbone viables à l’amélioration de l’éducation du public à tous les niveaux sur l’importance essentielle des sols pour l’économie du Canada et pour la santé environnementale, humaine et sociale.

Nous voulons que ce rapport soit un appel à l’action pour le gouvernement, mais plus encore, nous voulons qu’il soit un appel à l’action pour les Canadiens. Nous n’avons pas rédigé ce rapport uniquement pour vous, chers collègues sénateurs. Nous ne l’avons pas rédigé dans le but d’obtenir une réponse du ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire, du ministre de l’Environnement et du Changement climatique ou du ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles, bien que nous soyons impatients de les entendre tous. Non, nous avons rédigé ce rapport pour inspirer tous ceux qui, au Canada, veulent lutter contre le changement climatique, tous ceux qui veulent dépolluer l’environnement et, peut-être plus important encore, tous ceux qui veulent un approvisionnement sûr et fiable en produits alimentaires locaux sains, abordables et délicieux.

Je tiens à remercier tous les membres, passés et présents, du Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts de leur travail dévoué et enthousiaste à l’égard de ce rapport. Je remercie tous les témoins et l’ensemble du personnel dévoué. Surtout, je remercie le président du comité, le sénateur Rob Black, de sa passion, de son leadership et de sa générosité d’esprit qui ont rendu ce rapport possible.

Merci et hiy hiy.

Son Honneur la Présidente : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

Régie interne, budgets et administration

Adoption du treizième rapport du comité

Le Sénat passe à l’étude du treizième rapport du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration (Budget—conformément à l’article 12-7(1), étude des questions financières et administratives—autorisation d’embaucher du personnel), présenté au Sénat le 6 juin 2024.

L’honorable Scott Tannas propose que le rapport soit adopté.

Son Honneur la Présidente : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

Peuples autochtones

Budget—L’étude sur les obligations découlant des traités et les responsabilités constitutionnelles, politiques et juridiques du gouvernement fédéral envers les Premières Nations, les Inuits et les Métis—Adoption du dix-huitième rapport du Comité

Le Sénat passe à l’étude du dix-huitième rapport du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones (Budget—étudier les responsabilités constitutionnelles, politiques et juridiques et les obligations envers les Premières Nations, les Inuits et les Métis—autorisation d’embaucher du personnel), présenté au Sénat le 6 juin 2024.

L’honorable Brian Francis propose que le rapport soit adopté.

Son Honneur la Présidente : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

Les préoccupations continues concernant l’agriculture canadienne, les milieux humides et la réaffectation des terres forestières

Interpellation—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l’interpellation de l’honorable sénateur Black, attirant l’attention du Sénat sur les préoccupations que continuent de susciter la réaffectation des terres agricoles, des terres humides et des terres forestières du Canada, ainsi que la possible insécurité alimentaire, économique et sociale découlant de la capacité de production réduite de produits agricoles, de pâturages, de produits forestiers et d’aliments, tant à l’échelle nationale qu’internationale.

L’honorable Paula Simons : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet de l’interpellation no 16, lancée par le sénateur Rob Black, attirant l’attention du Sénat sur les préoccupations que continuent de susciter la réaffectation des terres agricoles, des terres humides et des terres forestières du Canada, ainsi que la possible insécurité alimentaire, économique et sociale découlant de la capacité de production réduite de produits agricoles, de pâturages, de produits forestiers et d’aliments, tant à l’échelle nationale qu’internationale.

Aujourd’hui, au Canada, la plupart des événements publics commencent par une reconnaissance du territoire : un rappel précis, parfois puissant, que le pays se trouve sur les terres traditionnelles des nations autochtones, qui ont été les premiers habitants de ce territoire.

Je tiens à commencer ce discours par une forme différente, mais connexe, de reconnaissance. Je veux reconnaître la terre sur laquelle nous sommes assis, le sol qui donne vie à nos forêts boréales, à nos prairies, à nos cultures, à nos jardins. Je veux que nous reconnaissions la couche fragile et essentielle de terre arable qui est peut-être la ressource naturelle la plus importante et la moins valorisée du Canada.

Autrefois, nous comprenions la dette que nous avions envers la terre qui nous donnait la vie, envers ce que de nombreuses cultures appelaient notre terre mère. Le nom d’Adam, le premier homme de la Bible, vient du mot hébreu adamah, qui signifie terre ou sol. La tradition juive enseigne que Dieu a façonné l’homme à partir du sol, qu’il l’a fait de la terre.

Le mot « humain », que nous utilisons pour nous décrire, vient du mot latin humus, qui signifie « terre ». Les Romains de l’Antiquité reconnaissaient eux aussi le sens numineux de notre relation avec le sol.

Je suis originaire du territoire du Traité no 6, l’un des foyers traditionnels des Cris, qui ont pour légende une grande inondation qui a balayé toutes les terres. Divers animaux ont tenté de plonger au fond de l’eau pour en extraire un peu de boue qui servirait à reformer la terre. Ces divers animaux ont essayé en vain, jusqu’à ce qu’un courageux petit rat musqué plonge profondément dans les eaux et remonte à la surface avec une poignée de boue, manquant de se noyer dans sa tentative. C’est le courage de ce petit rat musqué, nous dit-on, qui a permis au monde terrestre de prendre un nouveau départ.

Pourtant, au fil des générations et des siècles d’urbanisation et d’industrialisation, beaucoup d’entre nous ont oublié leurs racines et le sol qui leur a donné la vie. Sans vouloir exagérer, on le traite comme une saleté.

L’ironie est la suivante : nos villes ont tendance à être construites là où les terres sont les plus fertiles. C’est logique. Il en est ainsi depuis que l’humanité a construit des villes sur les rives du Tigre, de l’Euphrate, du Nil, de l’Indus, du fleuve Jaune. C’est tout à fait logique. En passant du stade de chasseurs à celui d’agriculteurs puis de citadins, nous nous sommes installés sur les terres les plus aptes à nous nourrir. Or, en construisant nos villes, nous avons recouvert certains des sols les plus riches de la planète.

Lorsque les colonisateurs et les colons sont arrivés au Canada, ils ont fait la même chose, construisant des villes à proximité des terres les plus fertiles de ce nouveau monde, puis directement sur celles‑ci. Nous continuons à le faire, en construisant des lotissements, des centres commerciaux, des usines, des aéroports, des campus universitaires et des autoroutes sur certaines des terres agricoles les plus précieuses et sur d’autres ressources foncières importantes, qu’il s’agisse de zones humides ou de forêts. Mais cela a un coût.

Le Canada est immense. Regardez une carte — tout ce rose. Pourtant, seulement 5 à 7 % de notre territoire sont considérés comme des terres agricoles de premier choix, propices à la culture. En d’autres termes, seulement 6,8 % du territoire du pays est actuellement cultivé. Ce chiffre peut vous surprendre. Le Canada semble si vaste, mais une fois que l’on soustrait le Bouclier canadien, la fondrière boréale, les montagnes Rocheuses, la toundra arctique, le pergélisol et tous les lacs, eh bien, il n’y a tout simplement pas beaucoup de sols où l’on peut cultiver des aliments ou faire l’élevage de bétail et de moutons.

Un tiers complet des terres arables au Canada se trouve dans ma province, l’Alberta. Pourtant, entre 2011 et 2020, quelque 52 000 hectares de terres agricoles albertaines de premier choix ont été retirés de la production agricole, principalement pour faire place à des infrastructures urbaines et à des projets de construction de logements. Si l’étalement urbain aux alentours de Calgary et d’Edmonton fait disparaître un grand nombre de bonnes terres agricoles, le rythme du développement en Alberta n’est rien à côté de ce que l’on observe dans la région du Grand Toronto, où des terres agricoles jusqu’à Guelph ont absorbées par des projets d’ensemble domiciliaire.

Lorsque les membres du Comité de l’agriculture et des forêts ont travaillé sur leur récent rapport sur le sol, j’ai appris un nouveau terme : « imperméabilisation des sols ». Or, ce n’est pas le genre d’imperméabilisation que l’on pratique à Terre-Neuve — je demande pardon à collègues du Comité de l’agriculture et des forêts.

(1650)

L’imperméabilisation des sols est un euphémisme pour dire que l’on recouvre les sols d’une matière imperméable, comme le béton ou l’asphalte. Le problème est non seulement que l’imperméabilisation des sols rend les terres non cultivables, mais aussi qu’elle nuit à la capacité du sol d’accomplir ses fonctions écologiques. Les sols sains contribuent à filtrer, à purifier et à stocker l’eau. Les sols sains sont plus résistants à la sécheresse et à l’érosion, et ils sont mieux à même d’absorber l’eau en cas d’inondation. Ce sont des puits de carbone naturels, qui sont essentiels à nos efforts visant à atténuer les répercussions des changements climatiques. Les sols abritent plus de 25 % de la biodiversité de la planète : un gramme de sol sain et vivant contient plus de 40 000 organismes différents, qui sont essentiels aux processus biogéochimiques qui rendent possible toute vie sur terre.

L’imperméabilisation des sols met fin à presque tous ces processus. Quand on imperméabilise la couche arable avec de l’asphalte ou du béton, on fragmente les habitats des sols et on provoque une perte de biodiversité. Les sols imperméabilisés ne peuvent pas absorber l’eau, ce qui entraîne une augmentation du ruissellement et des inondations. L’imperméabilisation peut influencer profondément la circulation de l’eau, ce qui nuit également à la capacité naturelle des sols de purifier l’eau. Les sols imperméabilisés ne peuvent pas accomplir leurs fonctions de régulation du climat ou de séquestration du carbone, et, plus on imperméabilise de sols, plus on accélère le rythme des changements climatiques et du réchauffement de la planète.

Il ne s’agit pas seulement d’asphalter des terres agricoles. En effet, certains des impacts environnementaux les plus désastreux de l’imperméabilisation des sols se produisent lorsque nous recouvrons des zones humides et des tourbières, ou lorsque nous abattons des arbres pour construire des immeubles d’habitation ou des usines.

Franchement, je pense que nous aurions aimé parler plus longuement de l’étalement urbain et de l’imperméabilisation des sols dans notre nouveau rapport Terrain critique sur la santé des sols, mais nous avons été confrontés à un dilemme constitutionnel, le même que celui auquel je suis confrontée lorsque je lis le libellé de cette interpellation.

L’aménagement du territoire ne relève pas de la compétence fédérale. C’est le rôle des provinces, et encore plus celui des municipalités, des villes et des comtés qui tirent leur autorité des provinces. Il n’appartient tout simplement pas au gouvernement fédéral — ni au Sénat — de dire aux municipalités où elles doivent construire leurs lotissements, leurs centres commerciaux et leurs routes.

À l’heure où le Canada manque cruellement de logements et où de nombreux Canadiens de la classe moyenne n’ont plus les moyens d’habiter les villes et se réfugient dans les banlieues pour tenter de trouver une maison qu’ils puissent réellement acheter, la pression exercée sur les municipalités pour qu’elles autorisent l’étalement urbain est très forte.

De nouveaux défis se posent également dans les régions rurales du Canada. Alors que nous nous efforçons d’abandonner les combustibles fossiles, on observe une nouvelle demande d’énergie solaire et éolienne, et même de biodigesteurs à l’échelle industrielle. Cette énergie verte et propre est nécessaire, en particulier dans les Prairies, où l’énergie hydroélectrique n’est tout simplement pas envisageable, mais il faut trouver un équilibre afin de ne pas bâtir ces nouvelles infrastructures électriques essentielles sur nos meilleures terres agricoles ou sur nos zones riveraines les plus importantes.

Pourtant, nous devons nous méfier des politiciens qui cherchent à empêcher la construction de nouveaux parcs solaires et éoliens au nom de la protection de l’environnement, mais qui encouragent et valorisent la production pétrolière et gazière, qui est, à sa manière, bien plus polluante et toxique pour les sols. Cette hypocrisie pourrait être comique si les enjeux n’étaient pas aussi importants.

Il s’agit là encore de questions qui doivent être laissées entre les mains des provinces, des comtés et des municipalités, mais rien ne nous empêche de leur offrir quelques conseils. Les Canadiens font face à trois défis, voire des crises, qui sont étroitement liés. D’abord, nous devons préserver nos terres agricoles de choix au nom de la sécurité alimentaire et pour que les aliments restent abordables. Parallèlement, nous devons créer davantage de logements — des logements abordables — afin que les jeunes Canadiens, les nouveaux Canadiens et tous les autres Canadiens puissent se loger. Enfin, nous devons passer à l’énergie verte, même si cela signifie de bâtir des infrastructures d’énergie verte sur des terres rurales.

Nous devons donc faire preuve de créativité, qu’il s’agisse de construire sur des terrains abandonnés, d’encourager l’aménagement d’espaces urbains vacants à des prix abordables ou simplement de procéder à un aménagement intelligent du territoire qui permet d’équilibrer les besoins en concurrence des municipalités. Peut-être que cette interpellation — ainsi que la mienne sur le rôle des municipalités dans la Confédération — pourra contribuer à susciter des discussions importantes, qui n’ont que trop tardé.

Je tiens à remercier notre collègue Rob Black d’avoir lancé cette interpellation et d’avoir fait de moi une sorte d’« apôtre des sols ». Sa passion pour ce sujet est contagieuse et elle a été une source d’inspiration pour beaucoup d’entre nous dans cette enceinte.

Ce dont les Canadiens ont besoin, c’est de trouver le courage et la détermination de l’infatigable rat musqué pour nous accrocher fermement au sol qui nous donne la vie et pour reconnaître la terre à laquelle nous devons tous tellement. Hiy hiy.

(Sur la motion de la sénatrice Clement, le débat est ajourné.)

(À 16 h 56, le Sénat s’ajourne jusqu’au lundi 17 juin 2024, à 18 heures.)

Haut de page